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Il ne semble pas qu’en Angleterre fonctionne aucune institution spéciale de cette nature. En Belgique au contraire, un système régulier est organisé depuis près de vingt ans. Les frais de maladies et de blessures des mineurs sont pris sur des caisses particulières à chaque concession houillère alimentées par les subventions volontaires des propriétaires et une retenue de 2 pour 100 sur les salaires des ouvriers. En outre, pour chaque arrondissement, une caisse générale de secours supporte les dépenses qu’entraînent les pensions accordées aux infirmes, aux veuves, aux orphelins ; les fonds proviennent d’une retenue de 1 pour 100 faite sur les salaires des mineurs, d’une somme égale versée par les exploitans, et d’une subvention de l’état annuellement votée par le pouvoir législatif. Il y a là une idée qui serait utilement appliquée en France, où une seule tentative faite dans cette voie, il y a quarante ans, pour le bassin houiller de Rive-de-Gier, est restée infructueuse. Cette cotisation des exploitans doit incontestablement produire un effet moral très salutaire sur les ouvriers, et elle gagnerait beaucoup à être régularisée en France, où le gouvernement s’est borné jusqu’à présent à faire à la sollicitude des concessionnaires de mines un appel qui a été d’ailleurs généralement entendu.

L’exploitation des combustibles minéraux ne soulève pas seulement des questions industrielles, elle soulève encore des questions commerciales, qui seront l’objet d’une prochaine étude. Si je me suis étendu autant sur les premières, la raison en est simple. M. Léonce de Lavergne rappelait récemment, devant l’Académie des Sciences morales, ce passage du Dictionnaire philosophique de Voltaire : « Si les habitans voluptueux des villes savaient ce qu’il en coûte pour leur procurer leur pain, ils en seraient effrayés. » Sans vouloir diminuer la sympathie qu’excite à bon droit le sort de ces travailleurs de l’industrie agricole, qui courbés sur la terre du lever du soleil à son coucher, en font surgir par un labeur opiniâtre, — lequel du moins se fait au grand jour et dans des conditions hygiéniques parfaites, — les ressources indispensables de l’alimentation publique, j’ai pensé qu’il convenait aussi d’accorder une part d’intérêt aux travailleurs de l’industrie houillère ; j’ai pensé qu’il ne fallait pas laisser oublier ce qu’il en coûte à nos semblables pour nous procurer ce combustible minéral qu’on a si souvent et si justement appelé le pain de l’industrie.


E. LAME FLEURY.