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Les lignites des Bouches-du-Rhône, dont Marseille est le débouché naturel et indéfini, forment sept couches, dont deux seulement sont exploitées, et qui ont ensemble une puissance de 3 ou 4 mètres ; elles alternent avec des calcaires d’eau douce bitumineux ou marneux. Le grisou se montre quelquefois dans les mines de lignite, et l’abondance des pyrites y provoque des phénomènes très singuliers de décomposition du combustible, qui disparaissent d’ailleurs à mesure que l’on s’éloigne de la surface. On fait remonter vers la moitié du XVIIIe siècle les premiers essais d’emploi des lignites dans les savonneries de Marseille ; plus de 1,000 ouvriers extraient aujourd’hui d’une dizaine de mines en activité 1,200,000 quintaux métriques de ce combustible[1], qui est très peu inférieur à la houille, et qu’on recherche pour le chauffage des chaudières à vapeur. On trouvera sans doute que cette quantité de produits est peu en rapport avec le nombre de contestations survenues au sujet des mines provençales, qui ont motivé, dans le cours d’une trentaine d’années, jusqu’à vingt-cinq arrêts de la cour de cassation ou avis au contentieux du conseil d’état. Il est vraisemblable que quelque concessionnaire processif se sera rencontré dans le bassin des lignites des Bouches-du-Rhône, mais il faut s’en féliciter, car il a fait résoudre plusieurs questions fort intéressantes de propriété souterraine.

En résumé, tous les combustibles fossiles sont le résultat d’une minéralisation de végétaux produite par un phénomène constant dont la cause est encore inconnue, et dont l’énergie semble avoir été en diminuant pour disparaître de nos jours. Ces combustibles existent dans toutes les formations géologiques, et, à mesure qu’on s’élève dans la série des terrains, ils se rapprochent de plus en plus des matières végétales intactes, à ce point que la transition entre les lignites les plus modernes et la tourbe est à peu près insensible. Si, en dehors du terrain houiller proprement dit, il peut exister des gîtes intéressans de combustibles minéraux, ils n’ont, du moins en France, sous le rapport de la qualité et de la rareté[2], qu’une valeur purement locale. Tous, il ne faut point l’oublier, appartiennent aux mines, à cette seule catégorie de propriété souterraine que nous ayons eu jusqu’à présent à considérer.

  1. Les chiffres suivans montrent l’allure progressive de ce bassin de lignites : il a donné en 1814 154,437 quintaux métriques, en 1820 265,981 q. m., en 1830 486,714 q. m., en 1840 571,182 q. m., en 1850 1,060,745 q. m. Les concessions sont au nombre de 29, mais 19 ne sont point exploitées. La production française totale en lignites était, en 1852, de 1,991,680 q. m. seulement.
  2. On a vu précédemment les chiffres de la production française en anthracite et lignite pour 1852 ; réunis, ils ne donnent qu’un total de 4,000,000 q. m. contre 45,000,000 q. m. de houille proprement dite.