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assez intimement unies pour que les progrès de l’une puissent donner, avec une rigueur presque mathématique, la mesure des progrès de l’autre. En effet, l’anthracite produit par les mines de la Sarthe et de la Mayenne est à peu près exclusivement absorbé par les chaufourniers, et les neuf dixièmes au moins de la chaux fabriquée sont employés à l’amendement des terres. Si l’on consulte la série des chiffres annuels de l’extraction particulière à chacun de ces départemens, on en verra l’allure, rapidement progressive pour tous deux, bien plus nettement accusée dans le second que dans le premier : c’est que la plus grande partie du sol de la Mayenne appartient aux terrains anciens, tandis que ceux-ci ne forment dans la Sarthe qu’une bande étroite, longeant des terrains plus modernes et principalement sablonneux. Dans le premier cas, le chaulage est impérieusement réclamé ; dans le second, la marne est le véritable agent de fertilisation.

Il y a cinquante ans, la Mayenne ne suffisait pas à produire les 1,200,000 hectolitres de grains qui représentaient sa consommation annuelle ; il y a vingt ans, l’exportation en froment atteignait précisément ce chiffre, qui représenterait en outre l’excès de la production de cette fertile région sur la production considérée trente ans auparavant. Suivant une publication récente du comité des houillères françaises[1], chacun des 200,000 hectares — dont l’amendement exige annuellement 2,800,000 hectolitres de chaux, correspondant à 800,000 hectolitres d’anthracite, — rapporte environ 30 francs de plus qu’il y a trente ans, d’où une augmentation de 6,000,000 de francs pour le revenu net de la propriété foncière et de 200,000,000 de francs pour la valeur du capital.

Les couches d’anthracite du Maine sont fort irrégulières. Ordinairement assez inclinées et parfois très sinueuses, elles ont une épaisseur singulièrement variable, qui atteint rarement à 1 mètre, sauf dans deux concessions, où le combustible se trouve en amas considérables et anormaux ; elles offrent d’ailleurs au plus haut degré cette série de renflemens et d’amincissemens qui donnent souvent aux couches du terrain houiller l’apparence d’un chapelet. Ainsi que la houille, l’anthracite adhère peu à la roche sur laquelle il repose, et dont il est séparé par une surface si polie, que, pour peu que celle-ci soit assez inclinée, on a beaucoup de peine à s’y tenir debout. Les mines d’anthracite du Maine sont d’ailleurs de fort grandes exploitations[2], que le peu d’épaisseur et l’irrégularité des gîtes rendent

  1. Situation de l’Industrie houillère en 1857. Cette brochure est signée par M. Amédée Burat, secrétaire du comité.
  2. Elles occupent ensemble 1,500 ouvriers. Pour indiquer l’importance actuelle de la production d’anthracite et aussi les progrès qu’elle a faits depuis l’origine, il suffit de considérer des périodes quinquennales et de prendre l’année moyenne. On obtient ainsi les chiffres suivans : 1817-1819, 11,669 quintaux métriques ; 1820-1824, 35,635 q. m. ; 1825-1829, 149,381 q. m. ; 1830-1834, 271,430 q. m. ; 1835-1839, 480,982 q. m. ; 1840-1844, 789,312 q. m. ; 1845-1849, 896,324 q. m. ; 1850-1854, 908,093 q. m., 1855-1856, 1,000,000 de q. m. On voit que, si le bassin du Maine a une importance locale très réelle, il mérite à peine d’être pris en considération vis-à-vis des bassins houillers que j’ai eu l’occasion de mentionner. La production totale de la France en anthracite proprement dit avait été, en 1852, de 2,000,000 de q. m., ce qui ne représentait guère que 1/25e de la production des combustibles minéraux autres que la tourbe.