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cette lutte, la langue s’épura, grâce surtout aux travaux de Franz Kazinczi, dont M. Demeter Dudumi compare l’influence à celle de Herder en Allemagne. Charles Kisfaludy continua son œuvre en fondant en 1822 le recueil d’Aurora, qui subsista seize ans, et où se produisirent toutes les gloires poétiques de la Hongrie. Czuczor et Voeroesmarty s’illustrèrent dans la poésie épique, le premier par le Combat d’Augsbourg et par la Diète d’Arad, le second par la Conquête de la Hongrie par Arpad ; le Siège d’Erlans et la Forêt enchantée. Bissenyei, Faludy, Rivai, ont composé des odes restées célèbres. À leur suite est venue une jeune phalange de poètes et d’écrivains parmi lesquels il faut citer les noms de Csassar, d’Arany, de Petoefi, et surtout ceux de Lessnyai et de Toth, de Joseph Coetvoos et de Nicolas Josika.

Bien que plusieurs de ces écrivains se soient aussi essayés dans le genre dramatique, ce sont moins des œuvres originales que des traductions ou des imitations qui sont représentées sur la scène de Pesth. Le théâtre national n’a été inauguré qu’en 1837. On était déjà las des pièces faites à l’imitation de celles de Shakspeare et remplies des traditions nationales. On s’est presque renfermé dans le répertoire de quelques écrivains français. Malheureusement, après avoir épuisé ce qu’il y avait de meilleur, on s’est inspiré de nos vaudevilles et de nos drames du boulevard. Effrayé de cette trop prompte décadence, M. Demeter Dudumi invite les Hongrois qui traduisent pour le théâtre à puiser à une nouvelle source. N’y a-t-il pas le théâtre italien, auquel on n’a encore rien emprunté ? Il vaudrait mieux cependant conseiller aux Hongrois de composer des pièces originales. On commencerait par des essais aussi faibles que le Dioclétien de Szighgoh, ou le Roi Coloman de Bérenyi ; on arriverait peut-être, dans un avenir peu éloigné, à des épopées dramatiques semblables aux anciennes trilogies et comparables à celles de Shakspeare ou de Schiller. Cette rivalité pourrait naître d’autant plus facilement, qu’à côté du théâtre national Pesth possède un théâtre allemand où les chefs-d’œuvre dramatiques de l’Allemagne trouvent souvent de dignes interprètes.

L’académie hongroise (Magyar tudos tarsarag), qui doit présider à ce progrès comme à tous les progrès littéraires, date à peine de trente ans. Le comte Stephan Szechenyi en a posé la première pierre en 1826, et a souscrit pour une somme de 60,000 florins. En 1830, quand le plan des constructions a été adopté, le total des souscriptions s’élevait à 300,000 florins. Le règlement de l’académie a été arrêté en 1836. Aujourd’hui elle possède un revenu de 22, 000 florins, et compte cent soixante-treize membres. Sa bibliothèque, considérablement enrichie par un don de la famille Teleky, renferme cinquante mille volumes. Un prix annuel de 200 ducats est institué pour le meilleur ouvrage écrit en hongrois, et deux de 100 pour les meilleurs mémoires sur les sciences. Déjà l’académie a publié plus de la moitié d’un grand dictionnaire de la langue nationale, une grammaire et plusieurs lexiques. Elle a fait imprimer d’anciens monumens historiques, dix-sept volumes d’ouvrages couronnés, des traductions des classiques. Elle fait enfin paraître un magasin scientifique qui en est à sa treizième année de publication. Indépendamment des prix académiques, la nation a pour le talent de nobles et généreux encouragemens. Après la mort du grand poète Voeroesmarty, la