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sujet des principautés, elle a incliné au contraire vers l’Autriche. Voici une question qui l’éloigné de l’Autriche et qui la rapproche de la France : c’est la question de la navigation du Danube, qui passe aujourd’hui au premier rang, et va devenir sans doute un de ces champs de bataille diplomatiques où s’agitent tous les intérêts, C’est d’ailleurs une question des plus complexes, et s’il s’élève des difficultés qu’il est désormais assez facile de prévoir, il faut bien dire que l’Autriche aura singulièrement contribué à les créer par la façon inattendue dont elle a conduit une affaire que rien ne peut soustraire en définitive à l’arbitrage souverain de l’Europe. Le Danube, on ne l’ignore pas, n’a point été soumis jusqu’ici au régime de la liberté la navigation proclamé en 1815, par la raison bien simple que l’empire ottoman n’était point admis alors aux bénéfices du droit public européen. C’est le traité du 30 mars 1856 qui, en introduisant la Turquie au sein des puissances de l’Europe, a prononcé l’assimilation du Danube aux autres fleuves, et pour assurer l’application du principe de l’acte final de Vienne, le congrès de Paris instituait deux commissions. L’une était chargée de tout ce qui concernait l’embouchure du fleuve, les travaux à exécuter, et se composait de représentans de toutes les puissances européennes ; l’autre se composait de délégués des états riverains, et avait pour mission d’élaborer des règlemens de navigation ; les règlemens une fois préparés devaient être transmis au congrès réuni de nouveau et être arrêtés en commun pour devenir la loi souveraine de la navigation sur le Danube. Il résulte de ceci deux choses : premièrement, que les commissions instituées n’étaient en quelque sorte qu’une émanation du congrès de Paris, et qu’elles n’existaient qu’en vertu d’un mandat européen ; en outre, les règlemens adoptés pour la navigation n’ont évidemment de valeur que par la sanction de l’Europe, qui reste libre de les examiner et de les accepter ou de les rectifier. — Maintenant comment ces prescriptions ont-elles été exécutées et respectées ? La chose est bien simple : l’Autriche, selon sa coutume, a considéré la navigation du Danube exclusivement au point de vue autrichien, et elle a cherché à faire prévaloir ses idées, qui ne sont pas des plus libérales. Elle a convoqué des délégués des états riverains ; de longues négociations ont été suivies, une convention diplomatique a été signée pour réglementer la liberté fluviale, et tout récemment on a su que des ratifications de cet acte entre riverains venaient d’être échangées à Vienne.

C’est un premier succès que l’Autriche a voulu habilement et vivement emporter ; seulement la question n’est pas résolue, et tout semble assez étrange, on en conviendra, dans le fond et dans la forme de ce procédé. D’abord les délégués de la Servie, de la Moldavie et de la Valachie, que le congrès de Paris avait eu la précaution d’introduire dans la commission riveraine, ont été évincés ; mais de plus il s’élève ici une question singulière, où l’Autriche paraît vraiment avoir oublié ses habitudes de circonspection, ses connaissances dans l’étiquette diplomatique et son respect des traditions : elle compromet sa bonne renommée dans les chancelleries. Que voyons-nous en effet ? On sait ce que c’est en diplomatie qu’une convention et une ratification. La ratification est la signature du souverain qui rend un acte immédiatement obligatoire. En est-il ainsi de la convention signée et ratifiée