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Corée ne paraît réunir toutes les conditions qu’exigerait, pour atteindre ce double but, un établissement européen au milieu des populations de l’extrême Asie.

Située entre les golfes de Leao-tung, la Mer-Jaune et les mers du Japon, entre les 30e et 40e degrés de latitude nord, la Corée forme une immense presqu’île que les détroits de Brougthon et de Krusenstern séparent, au sud, de l’île japonaise de Kioussiou. Le Yaluh-kiang, qui vient déboucher dans la Mer-Jaune, forme sa frontière nord-ouest, et la sépare de la province mandchoue de Shinking. Les avantages de cette position au centre du triangle formé par Pékin, Yedo et les établissemens russes de la Mandchourie justifient l’importance du rôle que nous venons d’assigner à la Corée au point de vue politique, et en face des révolutions qui menacent ces contrées. Ces avantages ne sont pas les seuls. De la baie Yong-kin au havre Chosan, de Quelpaërt aux îles Chodo, les rivages de la presqu’île coréenne, les îles sans nombre qui se groupent sur la côte occidentale présentent une série non interrompue de rades magnifiques, abris aussi sûrs que commodes, assez vastes pour recevoir les flottes les plus nombreuses. Partout des villages serrés les uns près des autres, des cultures entretenues avec le plus grand soin, révèlent la présence d’une population nombreuse et active ; des rivières accessibles, sinon aux navires européens, du moins aux jonques du pays, font participer Séoul et les autres taos (provinces) au mouvement commercial qui règne sur toute la côte. Ce mouvement cette population intelligente, ces rades abritées, enfin des mines d’or, d’argent, de cuivre argentifère, dont l’existence, constatée par les missionnaires, est révélée à première vue par l’usage des ustensiles les plus communs, tels sont les élémens matériels qui, ajoutés aux avantages de la position géographique de la Corée, assureraient sans nul doute le développement, la prospérité d’un établissement européen dans cette région. Des causes plus puissantes faciliteraient d’ailleurs ici l’action de l’Europe occidentale, et il faut noter en première ligne l’état social et politique du royaume coréen, comme les dispositions des peuples qui l’habitent, et dont le lecteur pourra juger par quelques souvenirs de nos campagnes. Ce qu’on pourra surtout reconnaître, c’est le contraste qui existe entre la politique ombrageuse des autorités locales et l’esprit bienveillant des populations coréennes.

En 1855, après notre première croisière en Tartarie, nous vînmes mouiller avec l’escadre anglaise dans le havre Chosan, entrepôt des relations commerciales de la Corée et du Japon. C’était une simple relâche, un moment de repos donné aux équipages fatigués d’une longue campagne, peut-être une visite inspirée par la curiosité, mais par une curiosité sans but politique. Des vivres frais, de l’eau,