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complètement que je suis à Canton, bien que depuis une semaine il ait pu entendre les canons du Mississipi me saluer à Whampoa. Le jour de mon arrivée, la lettre que je lui écrivis le 11 de Macao est parvenue. Je lui écrirai de nouveau ce matin pour lui annoncer que s’il ne m’a pas répondu le 28, j’enverrai immédiatement au consul des États-Unis, à Shang-haï, l’ordre de suspendre les droits qui se paient dans ce port au gouvernement impérial. Je pense qu’il est essentiel que nos forces navales soient augmentées à Shang-haï lorsque cet ordre y sera exécuté, car le gouvernement impérial y a une flotte considérable mouillée dans le port même et une armée nombreuse sur le rivage, et sans prétendre annoncer d’avance les mesures que croiront de voir adopter les autorités chinoises, on peut penser qu’elles auront recours à la force. C’est mon intention fermement arrêtée de courir toutes les chances de la position que j’ai prise, car c’est celle qui découle des clauses de notre traité.

« H. MARSHALL.

« Canton, 26 décembre 1853, six heures. »

La Chine, on le voit, ne ménage guère plus les Américains que les Portugais. Quelle est donc son attitude vis-à-vis de la France ? Constatons d’abord, à l’honneur de notre pays, qu’un édit a été rendu, en conséquence du traité de Whampoa, pour protéger les Chinois convertis au christianisme contre les rigueurs des autorités nationales. Il est bon de citer le rapport de Ki-yng relatif à cette mesure :

« Ki-yng, commissaire impérial, ministre d’état, etc., s’adresse respectueusement au trône par ce mémorial :

« Il paraît, après mûr examen, que la religion du Seigneur du ciel est celle que professent toutes les nations de l’Occident, que son but essentiel est d’encourager les bons, de corriger les méchans, que depuis son introduction en Chine, sous la dynastie des Mings, elle n’a jamais été interdite, et que si, dans la suite, des Chinois pratiquant cette religion en ont fait souvent un masque pour leur méchanceté, même jusqu’à séduire des femmes et des filles et arracher les yeux des malades, le gouvernement a su les découvrir et leur infliger un châtiment, comme cela est écrit spécialement sous le règne de Kia-king, qui fixa des punitions particulières pour de tels crimes. La prohibition était dirigée contre ceux qui faisaient mal sous le couvert de la religion, et non contre la religion professée par les nations occidentales.

« Maintenant il semble possible de satisfaire à la demande de l’ambassadeur Lagrenée, tendant à ce que ceux qui professent cette religion soient exempts de toute persécution. Pour ce motif, il est donc juste de transmettre cette demande, afin que, par une faveur céleste, tous natifs ou étrangers qui apprennent la religion du Seigneur du ciel et qui n’excitent pas de troubles par une mauvaise conduite soient désormais exempts de persécution.

« Cette requête, moi (le commissaire), poussé par la raison et le devoir qui m’est imposé, je la dépose humblement devant le trône, suppliant l’auguste empereur de permettre qu’elle soit mise à exécution. »

Ki-yng publiait à la suite de ce mémoire la réponse de l’empereur