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officiels publiés par la Gazette de Pékin ; elle est motivée sur cette incapacité seule[1]. Ces principes expliquent la perplexité du vice-roi devant le soulèvement de la population cantonaise contre les étrangers et l’abandon où le laissaient ses principaux officiers. C’était la condamnation de son système, et si dès le mois précédent Hwang-nganton avait été dégradé, Ki-yng dut sentir que sa propre disgrâce était imminente. Un an ne s’était pas écoulé, que Ki-yng était en effet rappelé à Pékin pour s’y justifier. Suh-kwang-tsing le remplaçait comme vice-roi des deux Kwangs, Yeh-mengehin remplissant sous lui les fonctions de gouverneur du Kwang-tong.

Six années avaient donc suffi pour effacer les souvenirs des humiliations et des défaites de la guerre et rendre à la cour impériale toute son imprudente sécurité. Les Anglais se retrouvaient, dès 1849, dans la même position vis-à-vis des autorités chinoises qu’aux jours de Lin et du capitaine Elliot, Une nouvelle guerre semblait non moins imminente, non moins nécessaire, et cette fois l’Angleterre n’eût pas pris les armes pour venger seulement ses propres griefs, car d’autres peuples voyaient aussi leurs intérêts de plus en plus menacés par les tendances de la politique chinoise : nous voulons parler des Portugais, des Américains et des Français.

Le mauvais vouloir de la Chine pour les Portugais s’est révélé dans une circonstance mémorable. Le nom du vice-roi Suh-kwang-tsing restera dans l’histoire douloureusement associé au souvenir du noble gouverneur de Macao, dom J. de Amaral. Le meurtre odieux qui a pour longtemps arrêté l’essor que cet homme intrépide et supérieur avait imprimé à la vieille colonie portugaise, s’il n’a pas été commandé par le vice-roi, a du moins été secrètement approuvé par lui, et les assassins ont trouvé un asile dans la capitale de la province jusqu’au moment où l’accord unanime des représentans des trois puissances occidentales, et surtout les énergiques protestations du représentant de la France, M. Forth-Rouen, forcèrent Suh-kwang-tsing à livrer les coupables aux autorités portugaises.

Essentiellement marchands en Chine, les Américains ont pourtant depuis le traité de Wang-hia un ministre chargé d’affaires résident à Canton. La lettre qu’on va lire montre quelle était la nature des relations qu’il entretenait avec le vice-roi.

A son excellence le commodore Perry, commandant en chef.

« Monsieur,

« Son excellence le commissaire impérial semble, par sa conduite, ignorer

  1. « Tout officier qui, par sa conduite en dehors des lois et des usages de l’empire, excite une révolte et qui est chassé de la ville capitale de la province, siège de son gouvernement, sera condamné à la peine de mort. » Sect. CCX du code des lois de l’empire.