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hollandais avaient sillonnée pendant près de deux siècles, et où rien d’important ne restait à découvrir, nous nous promîmes, s’il s’offrait à nous quelque passage peu fréquenté encore, de le choisir de préférence à tout autre. Entre la Nouvelle-Guinée et l’île Salawaty s’ouvrait le détroit de Gallewo, encombré d’îles et semblant présenter un dédale au milieu duquel le navigateur le plus hardi eût pu craindre de s’égarer. Ce fut là le canal que nous voulûmes prendre. Des vents du sud s’opposèrent à l’accomplissement de notre dessein, et nous donnâmes dans le détroit contigu de Sagewien, qui se prolonge entre les îles Salawaty et Batenta. Ce passage était moins sinueux que le détroit de Gallewo ; il était aussi peu exploré et pouvait être non moins difficile.

Près d’un mois s’était déjà écoulé depuis notre entrevue avec les habitans de la Vandola. Il y en avait plus de trois que nous avions quitté la terre de Van-Diémen. Nous aspirions ardemment après quelques jours de repos. La Durance se traînait avec une lenteur désespérante, surtout lorsque les vents devenaient contraires ; elle obligeait constamment sa conserve à diminuer de voile ou à mettre en panne pour l’attendre. Souvent même la Truite devait se porter à sa rencontre, et perdre ainsi en quelques instans la majeure partie du terrain qu’elle avait péniblement gagné. Sans ces précautions, une séparation eût été infaillible. On imagine aisément combien cette nouvelle cause de retard était irritante, et à quelles récriminations elle pouvait prêter. Nous étions loin cependant d’être négligens ou de manquer d’audace ; mais tous nos efforts ne réussissaient pas à compenser cette déplorable infériorité de marche que nous avions pu constater dès le premier jour. La Truite était déjà engagée dans le détroit de Batenta, et se croyait certaine de l’avoir traversé avant la nuit, quand elle s’aperçut que nous étions restés trop en arrière pour la suivre ; elle vira de bord et revint vers nous, comme pour nous encourager et nous montrer le chemin. Lorsqu’elle nous eut rejoints, elle se conforma tristement à notre paresseuse allure ; mais aussi la nuit était-elle presque close lorsque nous arrivâmes à l’entrée du canal. Le vent tomba en ce moment, et ce fut le courant qui nous fit franchir le détroit. Au point du jour, une légère brise s’éleva de nouveau, et bien que le courant eût cessé de nous être favorable, nous parvînmes, non sans avoir couru plusieurs bordées, à doubler l’île Sagewien, qui termine le détroit du côté de l’ouest.

Du détroit de Batenta à Amboine, on compte quatre-vingts lieues environ : nous mîmes onze jours à parcourir cette distance. Laissant sur notre gauche l’île Mysole, nous passâmes, dans la crainte de nous souventer, entre l’île Bonoa et la pointe occidentale de Céram. Amboine enfin apparut à nos yeux. Un plan de Valentyn nous guida