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trouvé dans ces îles lointaines une organisation politique très compliquée. L’homme n’apporte point en naissant un penchant bien vif pour l’égalité. Lorsque, impuissant à asservir les autres, il doit au contraire céder à l’ascendant de la force, il en subit le prestige avec un entraînement si naïf, qu’il lui cherche presque toujours une origine divine. L’archipel tout entier des Tongas obéissait, comme Taïti et les îles Sandwich, à un chef suprême, issu du sang des dieux. Au-dessous de ce souverain vénéré, le toui-tonga, se groupaient les grands chefs, les éguis, — les chefs inférieurs, les mataboles, — la classe moyenne, les mouas, — la plèbe des cultivateurs, les touas, Toutes les choses humaines ont cependant leur déclin, et le temps qui altère la simplicité des peuples, énerve aussi quelquefois la vigueur des races royales Lorsqu’après de longs siècles de paix les îles des Amis connurent le fléau de la guerre, le toui-tonga trouva parmi les eguis un maire du palais. Il conserva son caractère sacré, comme le daïri du Japon ; mais il perdit l’autorité dont ce caractère l’avait investi. Les Tongas eurent alors leur chef spirituel et leur roi de la guerre, qui guida les mataboles au combat. Il se forma ainsi, à côté de la famille souveraine des Fatta-Faïhis, la famille princière des Toubous. Soigneuse de s’allier au sang des anciens rois, fidèle observatrice des plus superstitieux hommages, payant même par des respects outrés chaque usurpation de prérogatives, cette nouvelle famille finit par reléguer dans un rôle passif la dynastie antique dont son ambition convoitait l’héritage. Cook se trouva en présence de ces deux pouvoirs rivaux. Poulaho était le toui-tonga, Finaü le roi de la guerre. En 1793, époque de notre arrivée dans 1 ! archipel, Poulaho et Finau avaient été rejoindre leurs ancêtres dans l’île de Bolotou, le séjour des dieux et des chefs après leur passage sur cette terre. Le fils de Finaü, héritier des dignités et des desseins ambitieux de son père, était à Lefouga, ourdissant ses intrigues. La puissance spirituelle était entre les mains d’une femme, l’aînée de la famille des Fatta-Faïhis, la touï-tonga-vahiné ou reine Tineï-Takala Cette femme énergique eût voulu ressaisir l’ascendant qu’avait laissé échapper un prince trop débonnaire. Elle héritait malheureusement d’un pouvoir sapé à sa base, et ses efforts ne pouvaient que hâter la crise que la faiblesse de Poulaho avait préparée. Le peuple l’entourait de ses respects, les plus grands chefs ne se montraient point devant elle sans se soumettre à la cérémonie du moi-moi, prenant eux-mêmes son pied royal pour le poser humblement sur leur tête ; mais, au lieu de rechercher sa présence, ils affectaient de la fuir. Quand nous arrivâmes devant Tonga-Tabou, une révolte qui devait éclater peu de temps après notre départ y couvait déjà, et l’humeur altière de la reine ne comprimait