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sud-est. Lorsqu’il revint pour la seconde fois à Tonga-Tabou, il chercha un passage à travers les récifs, et arriva jusqu’au port intérieur que couvre, à l’entrée même de la lagune, l’îlot de Panghaï-Modou.

Deux canaux se coupant presque à angle droit peuvent conduire les plus gros navires dans ce havre. Un de ces canaux se dirige de l’est à l’ouest : c’est le plus étroit ; mais c’est aussi celui dont les limites sont le mieux signalées, d’un côté par le rivage de l’île, de l’autre par la chaîne des brisans. À mi-chemin cependant, on rencontre un coude brusque, où deux roches sous l’eau ne laissent plus au passage qu’une largeur d’environ 200 mètres. Un courant très vif sillonne ce canal, et, à l’endroit où la passe se rétrécit, des tourbillons soudains font parfois tournoyer le navire sur lui-même. C’est surtout quand la brise est faible et que la marée sort avec violence du réservoir où, pendant le flux, elle s’est amassée, qu’il faut se tenir en garde contre ces remous. Le canal de l’est n’en est pas moins le meilleur à prendre quand on arrive à Tonga-Tabou, parce que les vents qui soufflent le plus fréquemment sont généralement favorables pour le franchir. Le canal dirigé du sud au nord est au contraire le seul qui permette une sortie facile.

Au lieu de passer entre l’île d’Eoua et celle de Tonga-Tabou, comme l’avaient fait Cook et Tasman, nous longeâmes de très près la côte orientale de ces deux îles, et, dès que nous aperçûmes entre les récifs une coupure qui, bien qu’elle ait plus d’un mille de large, n’en est pas moins assez difficile à reconnaître, nous nous y engageâmes hardiment sur la foi de notre illustre prédécesseur. Un essaim de pirogues ne tarda pas à nous entourer. On les voyait sortir, avec un bourdonnement semblable à celui des abeilles, de toutes les anfractuosités du rivage, de tous les replis du récif. La plupart, montées par deux ou trois hommes qui maniaient leur pagaie avec une agilité étonnante, se rangeaient de chaque côté des corvettes comme pour leur faire escorte. D’autres, plus grandes, nous suivaient sans effort sous leur voile triangulaire, ou, s’élançant en avant, semblaient se railler de la pesanteur de notre marche et vouloir nous guider au mouillage.

C’est surtout dans la confection des doubles pirogues de guerre que les naturels des îles des Amis montrent le mieux leur supériorité sur les habitans des autres archipels de l’Océanie. Ils construisent de ces pirogues qui ont jusqu’à cent et même cent cinquante pieds de longueur. Les bordages en sont assemblés avec un soin qui ferait honneur à nos meilleurs ouvriers. La forme de ces embarcations est imitée de celle des poissons connus pour fendre l’eau avec le plus de vitesse. Afin de leur donner la stabilité qui eût nécessairement