Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/411

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le fils maudit de Noé fut le père. Ces trois archipels ont subi l’ascendant moral de Tonga-Tabou, l’île la plus méridionale de l’archipel des Amis, l’île sacrée, où, sous un climat heureux et un gouvernement paisible, les arts de la paix, la culture et la navigation ne tardèrent pas à fleurir.

L’archipel des Amis se compose de trois groupes distincts : le groupe de Vavao au nord, celui d’Hapaï au centre, celui de Tonga-Tabou au sud. Ces trois groupes, qui comprennent jusqu’à cent cinquante îles ou îlots, sont à peine distans l’un de l’autre de dix ou quinze lieues. Les îles principales, les seules dont il y ait quelque intérêt à mentionner ici les noms, sont, dans le groupe méridional, Tonga-Tabou et Eoua, dont les destinées sont aussi intimement liées que celles d’Eiméo et de Taïti ; dans le groupe du centre, Annamocka, découverte aussi par Tasman ; Tofana, où brûle un volcan en activité ; Lefouga, la rivale inquiète de Tonga-Tabou ; dans le groupe du nord, Vavao, souvent le lieu d’exil des souverains des Tongas, devenu depuis la résidence habituelle de leurs successeurs. Eoua, Annamocka, Tofana, Vavao, sont des îles hautes ; Lefouga est une île presque à fleur d’eau, Tonga-Tabou une île plate et d’une élévation moyenne. « La mer, dit Lapérouse, n’a pas, dans un temps calme, une surface plus égale. » La plus forte éminence qu’on y remarque n’atteint pas en effet la hauteur de 20 mètres ; l’élévation générale de l’île au-dessus du niveau de la mer est d’environ 40 ou 12.

Tonga-Tabou n’est donc qu’une immense table de pierre que le feu intérieur a soulevée sans la rompre. L’hameçon de Maoui, le plus grand des dieux, la pêcha, disent les insulaires, au fond de l’Océan. Le contour de cette île représente à peu près un triangle isocèle dont les angles seraient émoussés. Les deux côtés égaux ont sept lieues environ chacun ; le troisième côté, exposé au sud-est, en a quatre. C’est sur le côté qui fait face au nord que se trouvent les mouillages où Tasman et Cook jetèrent l’ancre. Le rivage y est bas et sablonneux. Partout ailleurs il est escarpé, et offre une falaise continue élevée de 3 ou 4 mètres au-dessus des hautes mers. Vers le milieu de la face septentrionale s’ouvre un vaste bassin qui reste à sec quand les flots se retirent, et se remplit, comme un réservoir, à la marée montante. Quatre ou cinq îlots occupent le milieu de ce bassin. Vingt ou trente autres, presque tous boisés, sont semés sur le récif qui, du côté du nord, s’étend à plus de deux lieues en avant du rivage : ce sont les oasis de ce désert de corail. Tasman mouilla vers l’extrémité nord-ouest à quelques centaines de mètres de la plage. Cook, dans son premier voyage, se contenta aussi de cette rade découverte, où l’on n’est abrité que des vents réguliers du