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et réfléchies. Soit que l’église guide le genre humain comme autrefois, soit qu’elle se borne à le suivre elle est, sous peine de déchéance, attachée à ses pas. À Dieu ne plaise qu’elle soit obligée de prendre part à toutes nos controverses ; mais quand des principes certains, immortels, sont entrés définitivement dans la conscience des peuples, ils font partie de la vie spirituelle de l’humanité, et l’église, qui est la cité de Dieu ici-bas, bien loin de méconnaître ces principes, a mission de leur venir en aide. Parmi ces principes, l’assentiment des âmes d’élite a placé au premier rang la liberté de conscience. Or, des diverses communions chrétiennes, laquelle servira le mieux ce principe ? Laquelle sera le plus dévouée aux droits nouveaux, au respect de la raison, à l’amour du progrès, à tout ce qui fait le prix de la vie et la dignité de l’homme ? Voilà le théâtre où doit s’exercer l’émulation de l’église protestante et de l’église catholique. Des hommes éminens, dans l’une et dans l’autre communion, ont revendiqué déjà cette conformité de leur foi avec l’esprit de la société moderne. Faire alliance avec cet esprit, c’est vraiment un signe de force et un gage de victoire ; in hoc signo vinces.

La Suède voudra-t-elle rester au dernier rang dans cette lutte ? Au moment où elle proclame si haut qu’elle est la citadelle du protestantisme en Europe, voudra-t-elle demeurer au niveau du catholicisme napolitain ? Elle ne le peut ; son histoire, ses traditions, ses intérêts présens, tout lui ordonne de rompre une fois pour toutes avec l’esprit d’intolérance. Nous avons dit que des sectes bizarres se formaient parmi les protestans de la Suède, que les lecteurs y devenaient de jour en jour plus nombreux, que la compression poussait des âmes ardentes et simples aux extravagances du mysticisme, et que bien des esprits sages, alarmés de ces symptômes, demandaient une réforme de l’église nationale. Cette réforme si difficile à faire, la liberté l’accomplira naturellement. En présence des communions rivales, le protestantisme suédois comprendra qu’il faut autre chose aux âmes que de vides cérémonies et des formalités stériles. L’inspiration évangélique se ranimera sous cette orthodoxie pétrifiée, et l’église de Gustave-Adoiphe retrouvera la vie qu’elle a perdue. Puisse le prince régent, si dévoué au sentiment national, chercher dans cette réforme les progrès qu’il rêve pour son pays ! Ses efforts certainement ne seront pas trompés. Le 14 octobre, en fermant la session du storthing norvégien, ouverte depuis le 2 février, le prince exprima le regret que plusieurs propositions royales, destinées à unir plus étroitement la Suède et la Norvège, n’eussent pas obtenu l’assentiment de l’assemblée. « J’espère, ajouta-t-il, que le jour n’est pas loin où ces rapports des deux pays seront mieux compris, et où toute cause de défiance cessera. » Il ne s’agissait, il est vrai, que de mesures commerciales, de questions de droit maritime ; mais quand on voit en Norvège tant de libertés et de franchises énergiquement gardées, et tant d’intolérance dans la constitution suédoise, on est porté à croire que ces défiances norvégiennes dont parle le