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de catholicisme, et arrivons à la conclusion de son manifeste. C’est là que M. Fryxell prononce des paroles décisives, des paroles qui auraient dû retentir dans l’assemblée des états au lieu de toutes les déclamations des évêques :

« Encore un point, mes frères, encore un point qui doit nous engager à traiter l’église catholique avec plus de douceur et de justice. Le protestantisme et le catholicisme sont deux branches distinctes, mais sorties d’une même souche, et cette souche est la doctrine du Christ. Les fibres sont les mêmes, la même sève vitale se répand par l’une et l’autre de ces branches, quoique avec une force et une pureté différentes. Rejeter l’une d’elles, c’est rejeter la veine commune du christianisme qui circule dans toutes les deux. Il y a des hommes, je le sais, qui voudraient bien rejeter à la fois et les deux branches et la souche même. Aux yeux de ces hommes, la réprobation des catholiques par les protestans et la réprobation des protestans par les catholiques sont également bien venues ; ils réunissent ces deux anathèmes pour en faire la réprobation commune du christianisme tout entier. Or notre temps ressemble au mathématicien qui réduit ses équations algébriques à des expressions de plus en plus simples. En politique, l’histoire nous montre toute une série de combats qui se sont livrés entre les différentes classes de la société, entre la haute et la basse noblesse, entre ceux qui paient des impôts et ceux qui n’en paient pas, entre les seigneurs et les paysans ; aujourd’hui tous ces différends s’effacent et ne sont plus que des bagatelles en présence de la grande question qui sans cesse, d’année en année, de jour en jour, apparaît plus claire, plus caractérisée, plus menaçante à l’horizon de la société, je veux dire le combat, l’inévitable combat de ceux qui ne possèdent rien et de ceux qui possèdent quelque chose. D’un côté sont les prolétaires, les vagabonds, les mendians, ceux qui n’ont rien, pas même un chez soi ; de l’autre côté sont tous ceux qui possèdent, si peu que ce puisse être, ceux qui ont un chez soi, depuis le simple paysan avec sa petite ferme, ses vaches et son cheval, jusqu’au riche seigneur dont les domaines valent des millions. Voilà la question, voilà la lutte, et nos contemporains seront obligés de la terminer par la force, s’ils ne peuvent la régler à l’amiable. En matière religieuse, nous en sommes réduits aussi à ces redoutables extrémités. Toutes les divisions entre protestans et catholiques, luthériens et réformés, jésuites et jansénistes, quakers et méthodistes, paraîtront bientôt insignifiantes, si on les compare au grand combat qui sera livré entre ceux qui croient à quelque chose et ceux qui ne croient à rien. Il y a une propriété spirituelle ; il y a des esprits qui ont un chez soi, qui ont une croyance, une conviction, si pauvre ou si singulière qu’elle puisse paraître ; il y a d’un autre côté des prolétaires spirituels, des hommes qui, par rapport à leur âme, n’ont pas de chez soi, qui se font même un honneur de ce vagabondage spirituel, et qui voudraient démontrer la liberté de leur esprit par l’absence de toute confession religieuse. Entre