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Puffendorf, les historiens de l’église, comme Spegel, Paulinus et OEruhjelm, quel que soit d’ailleurs le mérite de leurs écrits, prennent le ton du pamphlet, dès que le catholicisme est en cause. Ils obéissent aux passions de leur siècle, et ils les irritent encore. Ce sont eux qui ont inoculé à la nation suédoise ses préjugés les plus violens ; si aujourd’hui encore on emploie comme synonymes les termes ; pape et antéchrist, catholique et aliéné, moine et hypocrite, c’est à eux que remonte cette tradition d’outrages. Un des dogmes établis dans leurs écrits, c’est que pas un pape n’a été honnête homme, que très peu de prélats catholiques ont mérité ce titre, qu’un homme éclairé ne saurait demeurer sans hypocrisie dans l’église romaine. « Ce fanatisme, dit M. Fryxell, a régné en Suède pendant tout le XVIIe siècle ; l’orthodoxie outrée du clergé supérieur et le pouvoir absolu de la royauté depuis Charles XI étouffaient à Penvi, dans l’intérêt de leurs privilèges, toutes les recherches du libre examen. »

« Pendant que la Suède s’enfermait ainsi dans l’isolement de son protestantisme, une école toute différente se formait en Europe, en Italie, en France, en Angleterre, l’incrédulité naissait du sein du catholicisme, et peu à peu grandissait dans l’ombre. C’est la révolution du XVIIIe siècle, annoncée déjà par les émeutes du XVIIe ; c’est l’école de Voltaire préparée par Bayle et Shaftesbury. On ne proteste plus seulement contre les abus de l’institution catholique ; les argumens, les doctrines de ces hommes, tendent à détruire de fond en comble tout le christianisme et même toute conviction religieuse. Au moment même où ces idées nouvelles se produisaient, la Suède était sous le joug du pouvoir absolu : de 1680 à 1718, une censure inflexible ne laissait pénétrer chez nous aucun livre étranger, et l’esprit suédois fut à l’abri de la contagion ; mais dès que l’absolutisme fut renversé, dès que les états sous la reine Ulrique eurent repris leurs droits séculaires, ces idées pénétrèrent dans la littérature de notre patrie comme un torrent qui brise ses digues. Les historiens de cette période s’adressaient en Suède à un public encore nourri de pensées chrétiennes ; n’osant pas, comme leurs maîtres de France et d’Angleterre, s’attaquer au christianisme en général, ils se jetèrent avec d’autant plus de violence sur le catholicisme, principalement sur le catholicisme suédois du moyen âge, et le représentèrent sous les couleurs les plus sombres ou les plus ridicules. Tout ce que le catholicisme avait fait pour le progrès des lois, pour l’élévation des caractères et l’adoucissement des mœurs, lorsqu’on ne pouvait absolument le nier, on l’indiquait d’une main avare ; s’il y avait au contraire des malheurs ou des fautes qui, justement ou non, pussent être considérées comme son œuvre, on y insistait à plaisir, on les relevait avec force en les chargeant de couleurs sombres. Les meilleurs historiens qu’ait produits chez nous le XVIIIe siècle, Wilde, Dalin, Botin, Celsius, Lagerbring, sont tous, à des degrés divers, animés de cet esprit. Ce sont, il est vrai, des hommes savans, des écrivains méthodiques, ils ont débrouillé le chaos de nos annales et rendu d’éclatans services ; mais que