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Notons pourtant que l’évêque de Gothenbourg consentirait à voter l’abolition des lois qui infligent à tous les dissidens la peine du bannissement, s’il obtenait en échange pour l’église officielle le droit d’excommunier ses membres indignes ; il va jusqu’à réclamer du comité législatif un amendement qui réglerait ce droit d’excommunication. Entre deux formes de tyrannie religieuse, l’évêque de Gothenbourg préfère celle qui donnera directement à, son église une mission inquisitoriale ; c’est bien la peine de déclamer si fort contre les pratiques de l’église romaine du XIIIe siècle. En vérité, l’église de Suède offre au monde un spectacle dont l’histoire n’avait pas parlé jusqu’ici ; c’est le moyen âge du protestantisme.

Il n’y a rien de particulier à signaler dans les cinq dernières séances où s’acheva la délibération en commun. Toujours même crainte des missions catholiques, même façon d’interpréter les principes de Luther, même dédain du droit et de la civilisation moderne, même prétention d’établir en Suède la forteresse inexpugnable du protestantisme européen, au moment où l’on montre si peu de confiance dans ses propres forces, et où l’on renie à la face du monde l’esprit même de la réforme. Ces choses ont beau être exprimées souvent avec d’habiles détours, ou bien avec une véhémence calculée, les ruses de la parole ne donneront le change à personne ; il n’y a là que des sophismes au service d’une corporation jalouse. Je n’en citerai rien ; à quoi bon ressasser ces lieux communs du despotisme ? Faisons pourtant une exception : M. Bring, doyen du chapitre de Lund, a laissé échapper des paroles dont il n’a pas mesuré la portée, et qui sont la condamnation éclatante du système qu’il défend. M. Bring est un étrange dialecticien ; en rejetant la proposition royale, il veut absolument se donner pour un défenseur de la liberté. « Que parle-t-on, s’écrie-t-il, de la liberté religieuse de l’individu ? La liberté religieuse de la communauté, la liberté de conscience du peuple est bien autrement sacrée. C’est celle-là surtout qu’il faut couvrir de notre protection, et on ne la protège qu’en châtiant l’erreur. » Nous connaissons ces doctrines, et il y a longtemps qu’elles sont jugées ; elles ont servi à justifier les plus grands crimes qui aient souillé l’histoire ; elles ont été proclamées par le sanhédrin de Jérusalem et par l’inquisition du moyen âge, par le comité de salut public et par le socialisme de nos jours : salus populi suprema lex ; le scandale est de les voir invoquées par une église chrétienne, par une église fondée avant tout sur le droit religieux de l’individu, et qui n’existerait pas sans la révolte de Luther.

On est heureux d’inscrire ici les noms des principaux orateurs qui ont défendu la proposition royale ; l’histoire de Suède ne les oubliera pas. Nous avons déjà signalé M. Cederschjoeld, de la classe des chevaliers, celui-là même qui, avec M. Lallerstedt, a fait porter ce grand débat devant l’assemblée générale des quatre ordres. M. Cederschjoeld voulait que ses paroles et celles de ses amis fussent directement entendues des membres du clergé et des députés de la paysannerie. Il espérait que plus d’une bonne pensée, sortie