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et l’appareil tout catholique des cérémonies luthériennes, vous ne sauriez, en lisant ce livre, à quelle communion appartient le peuple suédois. Vers le temps où M. Boas traçait ce tableau brillant et incomplet, un écrivain catholique plein d’imagination et de science, M. Louis Clarus, parcourait aussi la Suède. M. Clarus est un savant homme ; on a de lui un Tableau de la poésie espagnole au moyen âge qui tient sa place au premier rang parmi les études consacrées de nos jours aux littératures romanes. L’inspiration constante de ses travaux, c’est le désir de glorifier le catholicisme, et surtout le catholicisme du moyen âge. Il paraît impossible qu’un tel homme parcoure la Suède sans s’occuper de ce qui concerne la religion. M. Clarus s’en occupe en effet, mais vraiment la clairvoyance du publiciste est bien loin d’égaler chez lui la science de l’érudit. Il a intitulé son livre la Suède d’autrefois et la Suède d’aujourd’hui ; s’il connaît à merveille la Suède des temps passés, il apprécie d’une façon étrange la Suède de nos jours. L’intolérance du clergé luthérien, la cruauté des lois qui défendent de changer de religion sous peine de confiscation et d’exil, ne lui inspirent ni plainte ni blâme. Il a vu l’organisation hiérarchique de l’église, le clergé investi de pouvoirs civils, les prêtres administrant les universités et les écoles, la pompe solennelle des temples, les cérémonies de la messe, les étoles de velours rouge brodé d’or ; il a retrouvé là maintes choses qu’il admire dans la société du XIIIe siècle : il ne demande rien de plus. Si une église protestante peut être chrétienne, il n’hésite pas à le proclamer, c’est celle-là. Les adversaires du catholicisme diront sans doute que M. Clarus est un ultramontain conséquent avec ses doctrines ; j’aime mieux dire simplement que c’est un fanatique amateur de ce qu’Henri Heine appelle le bric-à-brac du moyen âge. En tout cas, son livre aurait un peu embarrassé les publicistes catholiques, lorsqu’ils protestaient avec tant de raison contre l’intolérance de l’église suédoise.

Ainsi, protestans et catholiques, tous les écrivains allemands qui s’occupaient de la Suède, soit insouciance, soit erreur de jugement, oubliaient de rappeler le luthéranisme suédois à l’observation de ses principes. Je me trompe, il y a un homme qui a rempli ce rôle, c’est un écrivain très familiarisé avec le monde Scandinave, M. Théodore Mügge. M. Mügge est un conteur populaire en Allemagne ; il a publié sur la Finlande et la Norvège deux récits intéressans, Erik Randal et Afraja ; il n’a rien écrit de plus remarquable que son tableau de la Suède telle qu’il l’a vue il y a quatorze ans. Ouvrez les deux volumes intitulés la Suède en 1843 ; vous y trouverez la peinture la plus vive de l’intolérance du clergé luthérien, de sa sécheresse de cœur, de son fanatisme intéressé. Certains journaux suédois ont signalé des inexactitudes dans le livre de M. Mügge. Il est possible qu’il y ait des erreurs de détail ; quel écrivain, si scrupuleux qu’il soit, est assuré de n’en pas commettre en parlant d’un pays étranger ? Quant à l’ensemble du tableau, il est profondément vrai, et cette œuvre fait autant d’honneur à