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en abondance des sources chaudes et minérales, des lacs et des marais boueux, d’où se dégagent des gaz de diverse nature. Ces phénomènes secondaires, qui paraissent insignifians quand on les compare aux grandes éruptions, méritent néanmoins d’être signalés ; ils trahissent à tout moment les réactions qui s’accomplissent dans les laboratoires souterrains. On pourrait les comparer à l’étincelle qui se ravive quand on remue une cendre qu’on croyait refroidie, ou plutôt à la fumée qui sort en imperceptibles traînées d’un édifice longtemps avant que l’incendie n’éclate dans toute sa fureur.


II

L’étude complète d’une région volcanique comprend deux parties, l’une purement descriptive, l’autre historique. Nous venons de faire connaître la disposition en chaînes des volcans de l’île de Java, la structure singulière des montagnes dont elle est hérissée, les réactions chimiques qu’on y observe. Après avoir montré les volcans en repos, il faut les faire voir en action et rappeler les éruptions formidables qui interrompent de temps à autre un calme qui n’est qu’apparent. Ces éruptions se renouvellent si souvent à Java, que j’ai dû me borner aux plus remarquables et faire un choix dans la longue liste des catastrophes dont cette région a été le théâtre.

Le volcan Ringgit était jadis une des plus hautes montagnes de l’île : en 1586, à la suite d’une éruption terrible, il s’effondra et tomba en ruines. Cet événement coûta la vie à dix mille habitans. Pendant dix ans, les navigateurs virent sortir du sommet une noire et immense colonne de fumée ; le fameux navigateur Cornélis Houtman, entre autres, l’aperçut encore en 1596. Aujourd’hui le volcan est complètement éteint ; il n’en reste plus qu’un gigantesque pilier, entouré de ruines incohérentes.

En 1772 eut lieu l’éruption du volcan Pepandajan, qui fait partie de la double chaîne volcanique située dans la partie occidentale de Java : quarante villages furent détruits dans une nuit. Le lendemain, les habitans qui avaient échappé au désastre remarquèrent que la cime du volcan s’était affaissée. D’après quelques récits, cette éruption aurait été suivie d’un effondrement général de la montagne. En remontant aux documens originaux sur lesquels cette opinion s’est fondée, M. Junghuhn a cru reconnaître qu’elle repose sur une fausse interprétation des rapports des indigènes, fort naturelle à une époque où les Hollandais connaissaient très imparfaitement les langues des îles de la Sonde. Il n’y eut, d’après lui, d’autre affaissement que celui du cône éphémère de débris qui couronnait le volcan. La quantité de fragmens qui recouvrent les pentes de la montagne est véritablement