Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que par le jeu même des forces qui agissent sans cesse à l’intérieur de notre planète pour troubler l’équilibre séculaire des mers et des continens.

Bientôt M. de Humboldt vint prêter son appui à ces conceptions puissantes, en établissant qu’il existe une relation intime entre les éruptions des volcans des Antilles et des Andes et les tremblemens de terre qui agitent d’une manière si effrayante et à de si fréquentes reprises certaines parties de l’Amérique. Il ajouta de précieux matériaux à l’étude comparée des volcans terrestres, en décrivant les colosses trachytiques des Andes, auprès desquels le Vésuve n’est qu’une humble colline, et qui, sous les feux du tropique, dressent dans la région des neiges éternelles leurs cimes plus élevées que celles du Mont-Blanc. L’histoire de leurs éruptions est aussi bien différente de celle des volcans de la Méditerranée : ils ne vomissent point de laves, comme ces derniers, et ne rejettent que des cendres et des vapeurs.

Dans l’esprit de presque tout le monde, l’écoulement des laves forme l’attribut essentiel d’une éruption volcanique. Ce phénomène étrange de torrens de feu sortis des entrailles mêmes de la terre est bien fait pour étonner et captiver l’imagination. Pourtant l’émission des vapeurs et le dégagement de l’eau qui accompagne toutes les éruptions présentent à l’esprit des énigmes encore plus difficiles à résoudre. Ce qui fait qu’on a toujours attaché plus d’importance aux laves, c’est qu’elles restent comme les seuls témoins des éruptions passées ; c’est en suivant ces fleuves de pierre refroidis que les voyageurs apprennent l’histoire des volcans : les matières gazeuses au contraire ne laissent point de trace et ne survivent point à la catastrophe qui les a portées au jour. Ceux qui sont assez heureux pour assister à une éruption ne peuvent manquer toutefois d’être frappés à la vue des fumées qui s’échappent des courans de lave, et doivent se demander comment des vapeurs et des gaz ont été emprisonnés dans ces matières fondues, qui, refroidies, ne sont que des scories et des rochers. Nous partageons tous encore d’instinct le préjugé antique de l’antagonisme de l’eau et du feu ; pourtant l’eau sort des volcans en telle abondance, que parfois d’immenses nuages sillonnés d’éclairs incessans s’amassent au-dessus du cratère. Les géologues sont divisés sur l’explication de ce singulier phénomène. Les uns croient que les eaux de la mer ou les pluies s’infiltrent dans des fissures terrestres, arrivent au contact des laves souterraines, et sont vomies, sous forme de vapeur, par les orifices des volcans. Telle était l’opinion du célèbre chimiste Davy, qui découvrit le premier les métaux qui forment la base des roches ; elle est encore adoptée par l’école qui attribue à des actions purement