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trouvé tout à coup à la porte de Louise. La rue était déserte et silencieuse. Que de fois en d’autres temps !… Je me suis avancé, j’ai posé le pied sur le seuil ; puis j’ai eu comme un éclair de raison, je me suis pris en dégoût et en pitié, et j’ai fui précipitamment.


7 mai.

Rassure-toi. Je n’ai pas attendu ta lettre pour rougir de ma faiblesse, pour reprendre l’empire que j’avais sur moi, pour être homme enfin. Le danger est passé ; je réponds de moi maintenant.

J’ai voulu pourtant m’occuper une dernière fois de l’avenir de Louise. J’ai pris ma mère à part, je lui ai avoué ce qu’elle ignorait, que Louise avait été ma maîtresse. Elle en a été toute saisie, toute consternée ; mais elle a compris ce que j’attendais d’elle, elle s’est chargée de les voir, de leur faire accepter une assez forte somme. Elle est mieux, elle ira demain.

Ainsi je me suis fortifié contre moi-même. Cette confidence à ma mère est un rempart de plus entre Louise et moi.


9 mai.

Je ne croyais pas que quelque chose fût capable d’aggraver encore ce que j’éprouve depuis quelque temps de douloureux et de cruel. Je n’avais pas assez remarqué certains mots de Louise à Charles B… Ils ne m’avaient fait rien craindre ni rien pressentir. Je me les suis rappelés en recevant ce dernier coup, et tu conviendras qu’il est assez terrible pour triompher des plus énergiques résolutions.

Ma mère est allée la voir. Instances, prières, raisonnemens, tout a été vain ; elle n’a rien voulu accepter. Elle a beaucoup pleuré, elle a couvert les mains de ma mère de ses baisers et de ses larmes ; elle lui a dit que si elle avait accepté quelque chose de ma femme, c’est qu’elle s’était bien aperçue tout de suite que ma femme ne savait rien, mais qu’aux nouvelles offres bien plus importantes qu’on venait de lui faire, elle devinait que j’avais parlé. Ma mère l’a conjurée alors de surmonter sa répugnance, afin de me calmer et d’adoucir les reproches que je me faisais. Elle a répliqué vivement que je ne devais pas m’en faire, que je ne l’avais pas séduite, qu’elle avait été la plus coupable, que nous avions été entraînés l’un vers l’autre par un penchant mutuel, que sa honte était assez grande ainsi, qu’il ne fallait pas l’augmenter en lui en payant le prix. Ma mère n’a plus insisté, mais elle lui a demandé quels étaient ses projets pour l’avenir ; elle lui a représenté que sa mère vieillissait, qu’elle-même n’était pas forte. — Oh ! c’est ce qui vous trompe, madame, a-t-elle dit alors, je sors de maladie, et ma mine ne me fait pas honneur ; dans quinze jours, il n’y paraîtra plus. J’ai pris une bonne résolution qui m’aidera à recouvrer la santé. — Et laquelle ? Ma question