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Dans tous les temps, même dans l’antiquité, l’histoire du commerce a été intimement liée à l’histoire générale des peuples : les migrations primitives des tribus, les guerres et les conquêtes, les établissemens coloniaux, en un mot, tous les grands mouvemens des nations, alors même qu’ils étaient inspirés par des sentimens tout à fait indépendant de l’intérêt mercantile, ont toujours eu pour effet de développer ou de modifier les relations commerciales, d’ouvrir aux échanges, de tribu à tribu, de peuple à peuple, puis enfin de l’ancien monde au nouveau, des voies nouvelles et plus larges. On comprend ainsi la difficulté que présente au premier abord la composition d’un livre exclusivement consacré à l’histoire du commerce. D’un côté, l’auteur peut être tenté d’agrandir son sujet et d’y introduire des faits et des considérations qui ne relèvent que de l’histoire politique ; d’autre part, pour échapper à ce péril, il risque de commettre de graves omissions et de ne point signaler avec une attention suffisante les événemens généraux qui ont exercé sur les destinées particulières du commerce une action prépondérante. Il faut en outre, dans un travail d’ensemble, où la chronologie veut être respectée, faire marcher de front et pour ainsi dire du même pas l’histoire des différentes nations qui méritent de figurer dans le tableau du commerce universel. Or c’est là un problème difficile à résoudre. Nous possédons d’excellens travaux historiques sur l’industrie et le commerce d’une période, d’une nation déterminée ; mais rarement on a essayé de comprendre dans une vue d’ensemble, assez complète cependant pour que chaque pays y tienne sa place, l’histoire générale du commerce, et plus rarement encore on y a réussi. Il n’est donc pas sans intérêt d’indiquer le plan qui a été adopté par M. Scherer ; voici comment il est exposé par M. Richelot dans la préface de sa traduction : « L’antiquité, le moyen âge, les temps modernes, telles sont les divisions consacrées de l’histoire politique. M. Scherer ne pouvait que les adopter ; il y a apporté toutefois une heureuse modification. Un fait considérable qui a agrandi, régénéré, transformé le commerce, la découverte de l’Amérique, lui a paru avec raison marquer le point de partage d’une histoire commerciale universelle. Les temps antérieurs et les temps postérieurs à cette découverte forment donc ses deux grandes périodes, dont chacune se divise elle-même en deux périodes secondaires. Durant la première, dont les deux divisions obligées sont l’antiquité et le moyen âge, le commerce, renfermé dans les bornes de l’ancien monde, reste avant tout terrestre, continental, et, dans ses plus grandes audaces maritimes, ne s’élève pas au-delà d’un simple cabotage. À partir de la seconde, il embrasse peu à peu le monde entier, devient essentiellement maritime, et parcourt avec intrépidité toutes les mers comme tous les continens. L’événement qui sert à diviser les temps modernes, c’est l’émancipation des colonies anglaises de l’Amérique du Nord, émancipation qui modifie les relations commerciales entre les deux hémisphères et qui coïncide d’ailleurs avec la rénovation politique de l’Europe en 1789. » Ces divisions étant ainsi établies, M. Scherer a placé en tête de chaque période des aperçus généraux ; puis il a consacré des chapitres séparés aux principaux peuples commerçans ; il met successivement en scène, pour les temps anciens, les Égyptiens, les Phéniciens, les Carthaginois, les Grecs et les Romains ; pour le moyen âge, les Byzantins ou Grecs du Bas-Empire, les Arabes, les Italiens, les Néerlandais, les Allemands ;