Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


O jeune fille, pense à cet arbre blessé !
Ce penser, bien que triste, a cependant des charmes ;
Pense aussi, jeune fille, au pauvre délaissé
Qu’un jour tu vis pleurer, mon ange, à chaudes larmes !


III


A TOI SEULE !


Je pourrais à tous montrer ma blessure
Sans l’envenimer et sans l’aviver,
Et ce n’est qu’à toi, chère créature,
Qu’il faudrait cacher mon cœur, ma torture :
Tu tiens le poignard qui peut m’achever !

Je devrais cacher à l’indifférence
Le mal qui me brûle et me fait mourir,
Et ce n’est qu’à toi, vivante espérance,

Qu’il faudrait montrer mon cœur, ma souffrance :
Toi seule ici-bas me pourrais guérir !


I


LA MER NOIRE.


Des monts bordent la mer et lui versent leur ombre,
Ces monts sont couronnés par des sapins sans nombre.

Le ciel gris se confond avec la nuit des eaux ;
Le vent ne chante plus au milieu des roseaux.

Ce paysage est triste, et l’âme dévastée,
Comme dans un miroir, s’y trouve reflétée.

Ces bois et ces rochers, ces roseaux et ce ciel
Disent : « Homme altéré du repos éternel,

Voyageur fatigué, ne quitte point ces grèves
Sans avoir englouti dans l’océan tes rêves ! »

Eh bien ! plus d’espérance ! — O décevant soleil !
Fantôme échevelé de mes nuits sans sommeil !

Amour ! tu m’as blessé : la blessure est profonde,
Mais j’ai la force encor de te plonger dans l’onde.

Je serai libre enfin, et, te voyant mourir,
Je me réjouirai : tu m’as tant fait souffrir !…

Voici venir la brise, enivrante caresse :
Qu’il est doux, le soupir de cette enchanteresse !

De l’abîme des eaux un appel a monté ;
Les bois ont répondu : Volupté ! Volupté ! .