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terme ; les deux rivages, profondément découpés par de vastes anses ou par de longs bras de mer dont les sinuosités fuyaient à perte de vue, se rapprochaient ou s’écartaient sans cesse, mais ne se rejoignaient jamais.

Ces récits firent soupçonner à l’amiral que le golfe dont on avait dû, faute de vivres, renoncer à atteindre le fond, pouvait bien être, au lieu d’un golfe, un magnifique détroit. L’amiral avait sous les yeux l’esquisse que le capitaine Cook avait tracée de son exploration rapide et le grossier croquis dessiné par Valentyn des découvertes de Tasman en 1642. Il pouvait aussi consulter le plan de la baie où le capitaine Marion avait mouillé en 1772 avec les navires français le Mascarin et le Marquis de Castries, un an avant que le compagnon de Cook, le capitaine Furneaux, ne jetât l’ancre dans la baie de l’Aventure. Tous ces navigateurs s’étaient tenus au large des côtes que nous visitions en ce moment. En comparant les divers documens qu’ils nous avaient légués, en notant sur la carte la position que nous occupions et celle où le capitaine Cook indiquait avec une précision suffisante son mouillage en 1777, on apercevait du premier coup d’œil la lacune qu’il nous restait à combler. Entre le Port-du-Nord et la baie de l’Aventure, il existait près de dix lieues marines de l’est à l’ouest, et plus de douze milles du nord au sud, que nos prédécesseurs avaient laissés complètement inexplorés. Valentyn avait, il est vrai, rempli cet espace par le trait ferme et ombré d’une côte régulièrement arrondie ; puis, en face du premier mouillage, où s’était arrêté Tasman, il avait hardiment creusé la baie des Tempêtes. À droite de cette baie se projetait sur ses cartes un long promontoire, dont la côte orientale présentait, près d’un isthme, la baie de Frederik-Hendrikx ; un peu plus au nord figurait l’île qu’Abel Tasman avait nommée Maria, du nom de la noble fille dont il emportait le souvenir dans ses voyages. Le seul usage qu’on pût faire d’une pareille hydrographie, c’était d’en déduire la position relative de trois ou quatre points qu’il était impossible de méconnaître : le rocher d’Eddystone, nommé par Tasman Pedra-Branca, un groupe d’îlots qui portaient sur la carte de Valentyn la désignation d’îles Boreel, l’île Tasman, située à l’extrémité du promontoire par lequel étaient séparées la baie de Frederik-Hendrikx et la baie des Tempêtes, l’île Maria enfin, d’une étendue plus considérable que ces rochers insignifians. À part ces points isolés, tout le reste était hypothèse ou pure fantaisie du dessinateur.

À ces renseignemens Cook et Furneaux en avaient joint, sinon de plus importans, du moins de plus authentiques. Les observations par lesquelles ils avaient déterminé la position de la baie de l’Aventure et celle du cap qui forme l’entrée de la baie de Frederik-Hendrikx,