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occasion de toucher terre et d’enrichir les collections déjà commencées à TénérifFe et au Cap. La proximité de l’île nous avait été signalée par une grande quantité d’oiseaux qui s’éloignent rarement du rivage. Nous continuâmes à nous en rapprocher rapidement ; la brise était très fraîche et soufflait du nord-ouest. Cette circonstance, jointe à la difficulté de trouver au pied de ce cône abrupt un mouillage convenable, décida l’amiral à passer outre. Nous rangeâmes la pointe méridionale à quatre encablures environ. Une prodigieuse quantité de veaux marins nageaient au milieu des amas de fucus dont les longues tiges flottaient à la surface, bien que le pied de la plante fût attaché au fond et que la sonde ne rapportât pas moins de trente brasses de profondeur. Nous savions que le capitaine Vlaming, qui avait découvert les îles Saint-Paul et Amsterdam en 1696, avait dû, en mettant le pied à terre, se frayer un passage à coups de fusil au milieu des phoques troublés dans leur antique quiétude. Nous avions lu aussi dans une relation du capitaine Cox qu’il avait relâché sur une de ces deux îles, près de laquelle il était parvenu à trouver un mouillage, et que la pêche avait fourni à son équipage une quantité extraordinaire de poissons des plus délicats. Cette assertion était bien tentante. Sur la foi du capitaine Cox, nos seines, nos lignes, nos palancres étaient déjà disposées. Voyageurs lassés d’une si longue étape, nous trouvions même des charmes à ce rocher aride sur lequel ne croissent que quelques arbustes. C’était à qui vanterait le plus haut les avantages qu’on pouvait retirer d’une pareille relâche. Lorsqu’on connut la décision de l’amiral, on vit à bord des deux corvettes plus d’un front se rembrunir ; mais notre marche était si lente, que, sous peine de compromettre le succès de notre mission, nous devions nous interdire toute station inutile. Il n’avait fallu que dix-huit jours au capitaine Cox pour arriver au point que nous avions mis près d’un mois et demi à atteindre.

Trompés dans notre espoir, nous poursuivîmes à regret notre route. À partir du moment où nous avions aperçu l’île d’Amsterdam, nous fûmes poussés par des vents violens qui ne laissèrent pas de fatiguer beaucoup les corvettes, mais qui du moins nous aidèrent à franchir un espace fécond en mauvais temps, où les jours s’écoulaient sans intérêt et sans distractions. Nous vîmes se renouveler quelquefois dans le cours de cette traversée le phénomène d’une mer toute phosphorescente, précurseur presque infaillible de quelque tempête. À ce signe s’en joignit un autre, moins équivoque en encore : le feu Saint-Elme se montra à l’extrémité de nos mâts. La mobilité de cette flamme électrique inspirait autrefois aux matelots une crainte superstitieuse qui les disposait mal aux manœuvres. L’amiral eut la sage prévoyance de diminuer de voiles de bonne