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A de plus hauts objets élevez vos désirs,
Songez à prendre un goût des plus nobles plaisirs,
Et traitant de mépris les sens et la matière,
A l’esprit, comme nous, donnez-vous tout entière.

Pas plus qu’Henriette, la presse anglaise ne manquerait, si elle le voulait, de bonnes réponses. Il lui serait facile de montrer que la place qu’elle accorde à l’industrie n’empiète pas sur celle qu’elle doit à la politique, et que, d’un côté comme de l’autre, elle ne soutient que trop avantageusement la comparaison. Ces longues colonnes industrielles ne sont pas, comme on voudrait nous le persuader, des conquêtes sur la politique, qui n’y perd pas une ligne : ce sont des conquêtes sur le néant. Ce n’est pas un journal qui en envahit un autre, ce sont deux grands journaux juxtaposés qui sont loin de se nuire. Quant à cette allégation singulière que l’industrie a pris dans la presse anglaise le pas sur la politique, parce qu’elle occupe les premières pages du journal, il nous est difficile de voir un argument dans cette froide plaisanterie. Veuillez considérer que l’industrie occupe les dernières pages aussi bien que les premières du journal, qu’elle en forme seulement l’enveloppe et qu’elle en laisse le cœur à la politique. Ces pages du milieu, qui s’offrent à la vue lorsque le journal s’ouvre naturellement, qui sont imprimées en plus gros caractères et qui se séparent à volonté des autres, sont aux yeux du public anglais les plus importantes. Et si le lecteur anglais voulait rendre injustice pour injustice et plaisanterie pour plaisanterie, il pourrait soutenir à son tour, en raisonnant d’après ses habitudes, que ce sont les faits divers qui ont le plus d’importance dans le journal français, puisqu’ils en occupent le milieu, et que la politique est reléguée sur la première page. Laissons donc de côté cette accusation puérile, et examinons rapidement les caractères généraux de la presse anglaise.

Le plus important peut-être de ces caractères, c’est l’étendue et l’exactitude habituelle de ses informations. Qu’il s’agisse du dehors ou du dedans, de l’extrémité de l’Orient ou de la plus voisine des rues de Londres, c’est un zèle égal, ce sont d’aussi grands efforts pour apprendre la vérité et pour la dire aussitôt qu’on la sait. On connaît ces luttes extraordinaires, si ruineuses pour les vaincus, si fructueuses pour les vainqueurs, qu’a souvent suscitées entre les principaux journaux anglais cette rivalité d’informations promptes et sûres. Pour peu que l’on consulte l’intéressant et consciencieux tableau que M. Cucheval-Clarigny a tracé des développemens successifs de la presse anglaise, on reconnaîtra bien vite que les véritables combats des grands journaux, jaloux de s’arracher les uns aux autres leur clientèle, se sont livrés presque exclusivement sur ce terrain. La question n’était pas de savoir qui flatterait le mieux l’opinion,