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à confondre avec l’abondance ou le resserrement de la circulation monétaire, n’a rien à faire ici. On l’a dit avec autorité : « si le taux de l’intérêt s’est élevé partout dans ces derniers temps, ce n’est pas que le monde manque de ressources ; c’est que le capital, rencontrant aujourd’hui un grand nombre d’emplois très productifs, ne se localise plus : il va chercher dans l’univers entier le mode de placement le plus avantageux. Tout grandit à la fois au milieu d’une situation économique florissante, — l’intérêt, la rente et le salaire. » Il est clair que cette proposition ne saurait être vraie pour les pays d’Europe qu’à la condition de l’être également pour les pays d’outre-mer. Pourquoi donc ce cosmopolitisme constaté du capital semble-t-il n’avoir pas encore atteint la propriété coloniale dans sa bienfaisante diffusion ? Pourquoi ? — Parce que tant vaut l’homme, tant vaut la terre. Le capital attend donc que l’œuvre de l’immigration, organisée comme il convient à la France qu’elle le soit, fournisse à la terre coloniale l’homme qui lui manque, l’homme qui doit rétablir l’équilibre entre la puissance et les nécessités de la production.

Veut-on une éclatante confirmation de ces idées : qu’on examine un moment avec nous la situation de la colonie de la Réunion. Un créole qui a eu le rare bonheur d’être appelé au gouvernement de sa colonie natale et le grand mérite de la bien gouverner, M. Hubert Delisle, dressait ainsi à l’occasion d’une solennité locale le bilan des dernières années écoulées : « J’aime à le dire, la situation est excellente ; le présent apparaît sous les aspects d’une prospérité rassurante, et l’avenir inspire toute espérance. — Voici le tableau de notre mouvement général avec la métropole et l’étranger de 1852 à 1855 : la valeur totale de ce mouvement est, pour 1852, de 34,849,521 fr., pour 1853 de 37,472,063 fr., pour 1854 de 45,000,000 fr., pour 1855 de 57,000,000 fr. Quelle magnifique progression ! Si vous comparez l’année 1851 avec 1856, vous voyez que de 29,000,000 fr. on est arrivé à 60,000,000 fr. Plus de 100 pour 100 en cinq années ! La production de la principale industrie, le sucre, s’est élevée de 23 millions de kilogrammes en 1851 à 56 millions de kilogrammes en 1855. Merveilleux essor de la fortune générale : Bourbon a remplacé la belle et riche Saint-Domingue ! Prenant pour comparaison la moyenne des cinq années les plus prospères du régime de l’esclavage, vous atteignez le chiffre de 33 millions de fr., tandis que la moyenne de la période nouvelle est de 47 millions, soit 14 millions de différence en faveur de la dernière… »

Un tel résultat est significatif, M. Hubert Delisle a raison de le proclamer, il est glorieux, car il est le produit du travail libre ; mais faut-il l’attribuer à la supériorité du génie commercial et industriel