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de ces faits diplomatiques se trouve tout entière d’abord dans l’ordonnance du 8 janvier 1817, puis dans les lois du 15 avril 1818, 25 avril 1827 et 4 mars 1831. Inutile de dire que rien dans cette législation n’implique pour une puissance étrangère le pouvoir de s’immiscer dans nos actes. Tel est l’état de la question au point de vue du droit.

En fait, est-il vrai, comme le donneraient volontiers à penser les paroles de lord Clarendon, que la France ait systématiquement organisé un vaste plan de rachat à la côte d’Afrique ? S’est-elle prise d’un subit enthousiasme pour les conceptions des abolitionistes anglais ? En un mot, croit-elle que hors l’immigration africaine il n’y a point de salut pour ses colonies ? — Nullement. Nous avons dit qu’il y avait dissidence aux colonies sur la valeur et l’opportunité de l’appel fait au recrutement africain. Cette dissidence repose sur cette considération, qu’il peut y avoir inconvénient à fortifier la po pulation noire déjà si nombreuse relativement aux autres élémens, de la population coloniale dans les possessions françaises. Une telle observation mérite à coup sûr qu’on en tienne compte, et c’est ce qu’a fait le gouvernement. De là est venue la pensée de ne procéder au recrutement des noirs que dans des limites fixées par la prudence. Enfin il ne paraît pas douteux que l’administration supérieure des colonies n’ait toujours partagé l’opinion dès planteurs quant à la préférence que mérite l’immigration de l’Inde sur celle de l’Afrique. Comment donc la France s’est-elle décidée à recourir à cette dernière au risque de mécontenter son alliée ? — Nous touchons ici au nœud même et au côté le moins connu de la question. Ce qui se passe aujourd’hui à la côte d’Afrique pourrait à la rigueur prendre le caractère de représailles pacifiquement exercées par la France. Il paraît qu’étonné et justement froissé des obstacles que l’administration anglaise de l’Inde mettait à l’immigration des travailleurs indiens pour nos colonies, le gouvernement français aurait, dès 1852, fait au gouvernement de la Grande-Bretagne cette importante déclaration, « qu’aucun texte des conventions répressives de la traite ne s’opposait à ce que des engagés fussent pris à la côte d’Afrique, dussent-ils même être rachetés pour être conduits sur le sol libre et civilisé des colonies françaises ; que si la France s’était dans ces dernières années abstenue de recourir à ce moyen de recrutement, c’est qu’elle savait qu’il répugnait à une portion respectable de l’opinion publique en Angleterre, mais que, devant assurer le succès de l’œuvre du travail libre dans ses colonies, elle se verrait obligée de renoncer à cette déférence amicale, si son alliée continuait à lui faire obstacle en entravant la libre sortie des Indiens. » Il est donc hors de doute que si la France a eu recours à cette extrémité de l’immigration