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rendre compte de la valeur des diverses sources du recrutement, a donné en 1856 son concours à un armement ayant pour but d’introduire dans nos Antilles 1,200 Chinois engagés dans la province de Shanghaï, celle où les populations sont à la fois les plus laborieuses et les plus pacifiques. L’opération est pour le moment suspendue, soit à cause du nouvel état d’hostilité qui s’est produit entre la Chine et l’Europe, soit pour mécompte dans l’évaluation de la dépense présumée ; mais elle sera certainement reprise en temps opportun ou à de nouvelles conditions. Cuba nous a d’ailleurs devancés dans cette voie. C’est en effet vers l’immense population du Céleste-Empire que se sont jusqu’ici tournés les efforts de cette reine des Antilles, trop intelligente et trop voisine de Saint-Domingue pour ne pas réfléchir sur la fragilité d’une royauté qui repose sur l’esclavage. Depuis assez longtemps, il s’est formé à Cuba, sous le patronage du gouvernement de la métropole, une importante association, la junta de formnto, dont le but est l’introduction des travailleurs libres, et les efforts de cette compagnie ont abouti déjà au recrutement d’un assez nombreux contingent de Chinois. Ce sont les navires français qui ont presque le monopole de ces transports, qui tendent à se multiplier. La cession d’un contrat d’engagement d’un travailleur chinois rendu à La Havane se paie jusqu’à 2,000 fr.

L’immigration africaine est celle qui aujourd’hui occupe le plus vivement les esprits. Tandis que la Réunion mêle à ses Indiens des Mozambiques qu’elle recrute à la côte orientale du vaste continent, tandis que le gouvernement lui-même passe marché avec une puissante maison d’armement pour l’introduction, dans une période de quatre ans, aux Antilles et à la Guyane, de 10,000 noirs recrutés à la côte occidentale, il y a dissidence marquée parmi les colons sur la valeur de cette immigration. D’un autre côté, on a vu tout à coup lord Brougham, sonnant l’alarme au nom du parti abolitioniste, annoncer dans le parlement qu’il présenterait une motion tendant « à ce que le gouvernement de la reine fût invité à intervenir pour obtenir du gouvernement de son allié l’empereur des Français qu’il voulût bien, dans l’intérêt de l’humanité, renoncer aux recrutemens de la côte d’Afrique, qui, ne pouvant s’effectuer qu’au moyen du rachat préalable, peuvent être moralement assimilés à des faits de traite… » Depuis lors, cette affaire n’a pas cessé de tenir une grande place dans les préoccupations du public anglais. À la fin de novembre 1857, une députation étant venue porter ses doléances à lord Clarendon, le noble lord a cru pouvoir accuser hautement la France de faire la traite des noirs non mitigée et non déguisée. Plus tard, le 11 décembre, dans une séance de la chambre des lords, répondant à des interpellations du comte de Schaftesbury et du comte