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rer en connaissance de cause, — au point de nous rappeler quelquefois non plus Mlle Rachel, mais telle ou telle actrice en faveur au boulevard. Certaine enfin que le rhythme mélodieux de la poésie italienne échappe à son nouvel auditoire, elle s’est livrée à toute l’impétuosité de sa nature et ne s’est plus astreinte à réciter les vers tels qu’ils étaient écrits. Elle a fait un singulier abus de la synonymie; elle a retranché ou ajouté des mots, au risque de débiter des vers faux. Je pourrais multiplier les exemples et demander à tout homme de bonne foi s’il est permis, sans nuire à la mesure, d’ajouter io ou de le retrancher, de transporter le pronom me d’un vers à l’autre, de dire scendono quand le poète a écrit scendon, etc.; mais je veux me borner à deux vers, où les étranges licences de Mme Ristori ont dénaturé jusqu’à la pensée. A la seconde représentation de Camma, en prononçant ce vers :

Pur d’inusata
Mestizia sento violenza al core,


« pourtant une tristesse étrange s’empare malgré moi de mon cœur, » Mme Ristori a remplacé violenza par dolcezza, ce qui ôte tout sens à la phrase. Plus loin, dans ce vers :

Contro l’infinger suo flnor fu vana
Possanza d’arti mie,


« jusqu’à présent toute la puissance de mes artifices n’a pu vaincre sa dissimulation, » fu est devenu fia, ce qui fait émettre à Camma le vœu singulier que la puissance de ses artifices ne réussisse pas à vaincre la dissimulation de Sinorix!

Il est, je pense, inutile d’insister. Que de pareilles bévues aient passé inaperçues sur la scène du Théâtre-Italien, n’est-ce pas la meilleure preuve du danger qu’il y a pour Mme Ristori à courir les routes, au lieu de rester dans la voie sérieuse où nous avions été les premiers à l’applaudir? Quand Mlle Rachel a commis la même faute, nous n’hésitions pas à blâmer ces excursions, d’où elle nous est revenue amoindrie. Nous ne saurions avoir deux poids et deux mesures. En renonçant à ses auditeurs naturels, en se séparant des acteurs d’élite si nombreux au-delà des Alpes, Mme Ristori ne peut espérer de se soutenir à la hauteur où elle nous est apparue il y a deux ans. Si admirablement doué que soit un artiste, il ne saurait impunément se placer dans des conditions anormales, et préférer des éloges frivoles aux conseils des vrais amis de son talent.


.F-T. PERRENS


— Il a paru résulter, pour quelques-uns de nos lecteurs, de la note publiée dans la Revue des Deux Mondes (livraison du 15 mai dernier) sur l’Histoire de Madame de Maintenon, que M. Le duc de Noailles et M. Th. Lavallée auraient eu réciproquement le droit de se plaindre l’un de l’autre. Nous devons protester nous-mêmes contre cette interprétation. Les deux historiens de Mme de Maintenon, unis par le même sentiment envers cette femme illustre ont pu se rencontrer dans le choix et dans la reproduction des mêmes documens : ils n’ont jamais eu à se reprocher aucun procédé personnel, et les emprunts dont nous avons entendu parler sont de ceux qu’autorise pleinement le droit de l’histoire.


V. DE MARS.