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éclatant. L’année suivante, le même répertoire suffit à son triomphe. Une seule création s’y ajouta, et Mme Ristori, devenue directrice de la troupe, joua la Médée de M. Legouvé.

Il devenait urgent, dans le cours de la troisième campagne, de répondre à l’empressement persistant de la foule par quelques tentatives nouvelles. Chercher dans le vaste théâtre d’Alfieri un ouvrage qui renouvelât, s’il était possible, la veine épuisée de Myrrha, demander au théâtre moderne, aux inspirations des poètes contemporains quelque drame original ou nouveau, dans le genre de Shakspeare ou de Schiller, telle était la marche que l’intérêt, sinon de sa renommée, au moins de son entreprise, commandait à Mme Ristori. Malheureusement le poète piémontais ne lui a fourni qu’Octavie. Ce n’est pas qu’on ne pût trouver dans Saül, dans Don Garcia, dans la Conjuration des Pazzi des œuvres bien supérieures; mais il fallait que le principal rôle fût pour l’actrice de qui dépendait uniquement le succès. Faute de péripéties émouvantes qui prêtassent à une pantomime expressive, Octavie n’a pu se soutenir à la scène. Après la tragédie restait le drame. N’en trouvant aucun à son gré parmi les chefs-d’œuvre connus, Mme Ristori eut recours au talent et à l’amitié de M. Montanelli. Usant de la liberté qui lui avait été laissée, le poète italien, au lieu d’un drame moderne, a écrit en quelques mois une tragédie antique, qui n’était pas précisément ce qu’il fallait, mais qui a fait oublier par le charme du style et par quelques situations émouvantes ce qu’on aurait désiré de plus.

Si les malheurs politiques de l’Italie ne nous avaient habitués à toutes les surprises, ce ne serait pas un médiocre sujet d’étonnement que de voir une tragédie italienne composée et représentée à Paris, devant un auditoire qui y prend à peu près le même plaisir qu’à la pantomime d’un ballet; mais l’exil a peuplé d’Italiens les capitales de l’Europe, et chacun de ces bannis dirait volontiers avec Sertorius :

Rome n’est plus dans Rome, elle est toute où je suis.


En attendant que le jour soit venu de faire une histoire de la littéraire italienne à l’étranger, c’est à Londres que M. Rufini publie ses intéressans Mémoires d’un Conspirateur, M. Rossetti ses curieuses Études sur Dante, M. Gallenga son Histoire du Piémont; c’est à Bruxelles que les poésies lyriques et dramatiques de M. Dall’Ongaro voient le jour; c’est à Paris qu’ont été composés l’Histoire des Musulmans de Sicile, de M. Amari, les Mémoires de M. Montanelli, les divers ouvrages de M. Ricciardi. On ne peut se dissimuler toutefois que donner à Paris une œuvre essentiellement italienne, écrite dans cette langue synthétique et difficile des vers, si différente de la prose, destinée enfin à être écoutée plutôt qu’à être lue, semblait une entreprise hardie, presque téméraire. Serait-il possible à l’auteur de ne pas se souvenir que le succès dépendait, à la représentation, du talent mal secondé d’une actrice, et n’y avait-il pas lieu de craindre qu’en lui sacrifiant les autres rôles, il ne fît un libretto au lieu d’une tragédie? L’écueil était inévitable, et M. Montanelli se trouvait en présence de difficultés d’autant plus graves, que la pièce qu’il s’agissait d’écrire était son coup d’essai au théâtre. Je ne veux en effet compter ni la Tentation, poème lyrique, quoi qu’en dise le titre, ni un travail auquel on est tenté de regretter qu’un poète original ait