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tées dans la province voisine, qui est la plus petite, qui, à ce titre, avait à craindre de tomber dans une situation subordonnée, et c’est ce qui fait que la Moldavie a été choisie comme le théâtre d’un suprême effort. On ne doutait pas que l’opinion qui serait émise par la Valachie ne fût favorable à l’union ; mais on pensait que, s’il était possible d’arracher un vœu contraire à la Moldavie, il n’y aurait par le fait ni vainqueurs ni vaincus, et la situation des deux provinces resterait ce qu’elle est aujourd’hui. De là la politique étrangement violente du prince Vogoridès, qui n’a eu d’autre pensée que d’abattre toutes les résistances, et qui a continué son œuvre, même sous les yeux des commissaires européens durant leur séjour récent à Jassy. Seulement le prince Vogoridès est allé trop loin ; il a voulu aller ouvertement jusqu’au bout, et c’est alors que la question s’est aggravée, pour devenir bientôt le principe d’une crise assez sérieuse à Constantinople même. Les élections, comme on sait, doivent se faire dans les deux provinces en vertu d’un firman publié par la Porte. Quelques difficultés s’étaient élevées dans l’interprétation du firman au point de vue de son application en Valachie. Les commissaires européens dans les principautés en avaient référé à Constantinople, et les représentans des grandes puissances auprès du sultan, dans la sage pensée d’atténuer les complications en les éloignant, avaient reconnu d’un commun accord la compétence de la commission réunie à Bucharest. Or pendant ce temps qu’arrivait-il ? Le prince Vogoridès élevait la prétention de passer outre et de procéder aux élections en Moldavie, en se fondant sur ce que pour lui il n’avait aucun doute au sujet du firman dont l’exécution lui était confiée. Il était appuyé par le commissaire ottoman Saffet-Effendi, qui jusque-là était resté à Jassy, affectant de ne pas aller rejoindre ses collègues à Bucharest. Cette prétention du caïmacan moldave, ajoutée à ses précédens excès de pouvoir, n’était pas de nature à diminuer les griefs des grandes puissances, et aussitôt le représentant de la France, M. Thouvenel, appuyé par les ministres de Russie, de Prusse et de Sardaigne, s’adressait au grand-vizir lui-même, à Rechid-Pacha, pour lui demander de prescrire au commissaire ottoman de se rendre à Bucharest et de donner l’ordre au prince Vogoridès de suspendre immédiatement les élections dans la Moldavie. Ici la question devenait évidemment plus grave et prenait les proportions d’un sérieux différend diplomatique. Le représentant de la France soutenait avec autant d’habileté que de vigueur que le firman, étant le même pour la Moldavie et la Valachie, devait recevoir une application identique dans les deux provinces, et que les élections ne pouvaient avoir lieu en Moldavie tant que la commission de Bucharest n’aurait pas résolu les difficultés qui avaient surgi. L’internonce d’Autriche, M. de Prokesch, soutenait au contraire que c’était là soumettre indirectement la Moldavie à la Valachie, et il voyait dans ce fait comme un essai partiel en faveur de l’union. Lord Stratford de Redcliffe se rangeait du côté de M. de Prokesch. Qui fut embarrassé en tout ceci ? Ce fut à coup sûr Rechid-Pacha, recevant tour à tour ces communications diverses. Pliant sous le poids de la situation difficile qu’il s’est faite, il flottait entre ces influences opposées, ne pouvant se résoudre à se mettre en contradiction avec l’internonce autrichien et lord Stratford, dont il subissait l’appui en le craignant, n’osant d’un autre côté résister en face