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de Kazan consiste en représentations scéniques où plusieurs d’entre eux figurent aux applaudissemens de leurs camarades.

Tout en poursuivant ses études à Kazan, l’auteur de la Chronique n’oublie point Aksakova; il y revient chaque année. C’est avec un indicible bonheur qu’il abandonne de temps à autre les bancs de l’université pour reprendre la route qui conduit à Aksakova. Rien de plus touchant que la joie naïve avec laquelle il revoit le toit de la maison paternelle et les fidèles serviteurs qui courent à sa rencontre. Cette existence heureuse s’arrête à l’année 1806, époque de la mort de Prascovia, la veuve de Mikhaïl Maksimovitch, qui laisse à sa famille un riche héritage. Le moment est venu alors pour l’auteur de se choisir une carrière. Il part pour Saint-Pétersbourg, et le récit des adieux qu’il fait à ses camarades termine la seconde partie de ces mémoires.

Les derniers chapitres du livre ne nous offrent que les portraits de quelques-uns des personnages remarquables avec lesquels M. Aksakof est entré en relations à Saint-Pétersbourg. C’est en quelque sorte un supplément au récit de la première moitié de sa vie, et on y rencontre des détails qui jettent un nouveau jour sur l’histoire de la littérature russe. Nous assistons aux débuts d’un mouvement intellectuel dont les conséquences commencent à peine à se dérouler, et qui ramène la Russie à l’étude de ses origines, au culte de son antique génie. Quelques vues sur l’état présent de la société russe suffiront maintenant à compléter le tableau qu’a tracé M. Aksakof.

La transformation que les mœurs ont subie depuis quelques années dans l’intérieur de la Russie, sans être aussi profonde qu’au sein des capitales, n’en est pas moins très marquée; les mœurs se sont adoucies. On n’y rencontre plus, même dans les provinces les plus reculées, des monstres comme Mikhaïl Maksimovitch; cette classe d’hommes indomptables a disparu ainsi que les buffles et les chevaux sauvages qui peuplaient jadis les forêts séculaires du pays. Quoique le titre de chef de famille y soit généralement plus respecté que dans les villes, il ne donne point à celui qui le porte, comme au temps où vivait Stépane Mikhaïlovitch, un pouvoir à peu près illimité. L’instruction est encore peu répandue parmi les propriétaires campagnards, mais leurs rapports avec l’autorité ont singulièrement changé. A la fin du siècle dernier, les propriétaires russes qui habitaient leurs terres y vivaient, on vient de le voir, dans une complète indépendance, et les serfs n’avaient point de recours contre l’oppression. Maintenant aucun d’entre les seigneurs russes n’oserait braver ouvertement le contrôle des agens du gouvernement, et si ceux-ci ne savent point mériter leur respect, ils commencent du moins à se faire craindre; le régime de l’arbitraire touche à sa fin. En résumé.