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gendes. Le Tell ayant un jour voulu épouser la plaine du Sahara, celle-ci le repoussa en disant : — Comment? moi qui suis une jeune fille toujours souriante, aux yeux bleus et pleins de rayons, j’irais épouser un homme sombre, maussade comme toi, dont le front est toujours chargé de nuages! Une pareille union ne pourra jamais me convenir.

Nous retrouvâmes à Ksour la neige et l’hiver. Enfin le 16 janvier 1850 nous étions de retour au chef-lieu de la subdivision, où nous retrouvions le repos, qui nous était bien nécessaire, mais sans les charmes et les distractions des autres villes de l’Algérie.

A Batna, qui a pris depuis une certaine importance par le voisinage de Lambessa, devenu un lieu de déportation, mais qui n’offrait alors qu’un assemblage de baraques et de tentes, un beau lion apprivoisé se promenait dans les rues ; les soldats du camp aimaient à jouer avec lui et à le caresser. Il se tenait ordinairement dans le voisinage de la demeure du commandant supérieur, où on lui portait régulièrement à manger. Ce lion captif et soumis, heureux de vivre au milieu de nous, était l’image assez fidèle du triomphe de la civilisation française sur la barbarie des Arabes. Dès cette époque en effet, après la prise et la destruction de Zaatcha et de Narah, la France était maîtresse de tout le pays qui s’étend du littoral de la mer à l’intérieur du désert, entre les deux états de Tunis et du Maroc, à l’exception de la Kabylie proprement dite. Cette partie de l’Algérie, réservée pour de derniers coups, comme la plus difficile à soumettre, a été depuis, presque chaque année, le théâtre de nouveaux exploits pour notre armée d’Afrique. La guerre d’Orient avait seule reculé la fin de cette lutte, que le maréchal Randon aura l’honneur de terminer, car, à en juger par les dernières opérations, dont l’épisode que nous venons de raconter aura du moins pu servir à donner une idée, la Kabylie subit à son tour l’ascendant de notre force et se soumet à notre influence, après avoir offert une victoire de plus aux frères d’armes qui nous ont remplacés sur cette terre d’Afrique, où ne cessent de les suivre nos souvenirs et nos vœux!


CHARLES BOCHER.