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la connaissance des œuvres lyriques ou tragiques des siècles d’Auguste ou de Périclès à ceux qui veulent écrire des odes ou des drames. L’étude n’étouffe pas l’originalité. Il serait imprudent sans doute de conseiller aux paysagistes français une soumission absolue envers leurs plus illustres devanciers, mais il n’est pas inopportun de leur recommander comme excellente la source où ils ont puisé. que nos contemporains apprennent à parler la langue de Poussin et du Lorrain, et le pinceau traduira sans effort leurs sentimens et leurs pensées. Or, pour connaître la langue de ces deux maîtres, il ne suffit pas de contempler leurs œuvres; il faut encore voir ce qu’ils ont vu, c’est-à-dire savoir comment leur style s’est formé. Par l’étude simultanée de ce qu’ils ont créé et des élémens dont ils disposaient, on n’arrive pas à surprendre le secret de leur génie : il y a toujours dans ces natures privilégiées quelque chose qui échappe à nos investigations; on arrive du moins à comprendre la nécessité de ne pas s’en tenir à l’imitation littérale, et c’est déjà un grand pas de fait. Puisqu’en face d’une nature grande, simple, sévère, ils ont senti le besoin de ne pas transcrire ce qu’ils avaient devant les yeux, à plus forte raison doit-on suivre leur méthode en face d’une nature moins simple, moins sévère et moins grande. La théorie se trouve ainsi confirmée par l’expérience, et le doute n’est plus permis. On sait pourquoi ils ont ajouté leur pensée au témoignage de leurs yeux, et l’on ne veut plus réduire le rôle du pinceau à la copie servile de la nature. Les œuvres de ces deux maîtres que nous possédons au Louvre enseignent cette vérité aux esprits clairvoyans. La vue de l’Italie, comparée à la vue de leurs œuvres, dessille les yeux mêmes qui n’ont pas une grande puissance, et je ne suis pas seul de mon avis, car les plus habiles ont suivi la route que j’indique.

Ce n’est pas sans raison qu’en parlant de l’Italie, j’ai insisté sur le caractère de la campagne romaine sans nommer les autres parties de ce beau pays. Il existe en effet une différence profonde entre le paysage romain et le paysage napolitain par exemple. Le voyageur qui n’est pas habitué à se rendre compte des impressions qu’il reçoit peut d’abord préférer le paysage napolitain au paysage romain : il se laisse éblouir par la splendeur de la lumière. S’il est habitué à réfléchir sur ce qu’il voit et s’il connaît Rome, il ne tarde pas à comprendre que pour le peintre la pureté des contours vaut mieux que la lumière la plus splendide. Quelques instans avant le coucher du soleil, quand on regarde du haut du Pausilippe Ischia et Capri, dont la couleur change de minute en minute et passe du rose tendre au bleu, puis au gris, on est saisi d’admiration. Ischia et Capri sont à vingt-cinq milles, et la lumière, en les inondant, les rapproche de