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gleterre par deux hommes qui ont eu chacun leur part de popularité, mais dont la valeur est fort inégale : j’ai nommé Byron et Crabbe. Ceux qui tiennent pour l’imitation mettent Grabbe bien au-dessus de Byron, et le client qu’ils ont pris sous leur protection possède assez de talent pour justifier leur sympathie. Cependant, malgré tout le mérite qui recommande les œuvres de Crabbe, le nom de Byron est demeuré plus grand que celui du poète qu’on a voulu lui donner pour rival. Pourquoi? C’est que Byron ne se contentait pas de raconter ce qu’il avait vu, mais s’efforçait constamment de l’agrandir, de le transformer, et, dans le domaine poétique, l’autorité de l’Angleterre ne vaut pas moins que l’autorité de la Grèce dans le domaine de la sculpture. Une nation qui peut mettre dans la balance Shakspeare, Milton et Byron n’est pas à dédaigner. Les plus sceptiques auraient mauvaise grâce à récuser son autorité. Les œuvres de Crabbe sont l’image de la réalité fidèlement, littéralement transcrite, et cette image n’a pas gardé la popularité qu’elle avait acquise. Les œuvres de Byron s’élèvent au-dessus de la réalité, et gardent encore aujourd’hui l’importance qu’elles avaient, il y a trente-trois ans, quand Byron mourut en défendant l’indépendance de la Grèce.

Mais il ne faut pas insister trop longtemps sur l’histoire de la poésie à propos de l’histoire du paysage, car les partisans de l’imitation ne manqueraient pas de répudier cette comparaison comme inopportune. La seule manière de traiter la question qui nous occupe maintenant, c’est d’établir nettement la nature des arts du dessin. J’ai parlé de la photographie et des dangers qu’elle présente. Ces dangers sont connus depuis longtemps de tous ceux qui aiment la peinture, et je dois ajouter qu’ils étaient prévus dès le premier jour. Cependant il ne faut pas s’abuser sur la valeur de la photographie envisagée comme moyen d’imitation. L’œuvre du soleil, admirée comme un prodige de fidélité et qui reproduit en effet les détails que le regard humain n’atteindra jamais, que le pinceau ne saurait copier, l’œuvre du soleil est parfois infidèle. Quand la photographie s’adresse aux monumens, elle fait ce que le pinceau ne pourrait pas faire; dès qu’elle s’adresse à la vie, elle est obligée de confesser son impuissance. Elle transcrit la forme de la pierre, elle est inhabile à transcrire les animaux et les plantes, car la vie, c’est le mouvement, et le mouvement se dérobe à la photographie. Eh bien! ce qui échappe au soleil échapperait au pinceau, si le pinceau voulait reproduire la réalité tout entière; mais le peintre, forcé de s’avouer vaincu tant qu’il demeure sur le terrain de l’imitation littérale, domine la photographie dès qu’il ajoute la pensée au témoignage des yeux. Il choisit parmi les mouvemens des plantes et des