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avait pour vêtement une tunique de soie blanche brodée d’or, recouverte d’un manteau de pourpre, et le harnais de son cheval étincelait d’or et de pierreries. A son entrée, il voulut descendre de cheval et gagner à pied, par honneur pour son beau-père, le prétoire, où celui-ci l’attendait. Les nobles franks qui lui faisaient cortège étaient, ainsi que leurs suivans, en tenue de guerre complète : justaucorps bariolé descendant à peine au jarret, savon vert garni de franges rouges, jambards de cuir non tanné fixés par des attaches au-dessus de la cheville et au-dessous du genou, et garnissant le devant de la jambe sans couvrir le mollet; leur bras droit, nu jusqu’au coude, tenait une lance à crochets; un bouclier de cuivre doré, à bords d’argent, était passé dans leur bras gauche, et un long sabre pendait aux chaînes de leur ceinturon. Ils traversèrent dans cet équipage les rues de la ville de Lyon, dont le pavé retentissait du cliquetis de leurs armes. Le prétoire où le roi burgonde les attendait n’était autre que l’ancien palais des empereurs romains, celui d’Auguste, de Claude, de Sévère, bâti non loin de l’autel consacré par la Gaule au génie de Rome et des césars. Des hôtes royaux, chevelus et armés, qui n’entendaient point le latin et commandaient aux Romains en langue germanique, y tenaient maintenant leur cour, y donnaient leurs fêtes, y célébraient leurs mariages. Sidoine n’avait quitté les Barbares en Italie que pour les retrouver en Gaule : ils étaient partout.

Ce spectacle lui pesait. Aussi, avant que la cérémonie ne fût terminée, il partit pour l’Auvergne, où il avait résolu de passer le reste de ses jours dans la paisible retraite d’Avitacum, entre son lac et son bois de plus sillonné de cascades, entre sa bibliothèque et une société choisie qui s’occuperait d’études plutôt que d’affaires. Il voulait retravailler ses vers, revoir ses lettres et en donner une édition corrigée à laquelle il attachait sa gloire; il se mit à l’œuvre, et c’est cette édition que nous possédons aujourd’hui. Cependant le travail de correction fut plus d’une fois interrompu, et plus d’une fois les idées du poète furent ramenées vers la politique par les symptômes de dissolution qu’il apercevait autour de lui, et surtout par l’annonce de nouvelles catastrophes au siège de l’empire.


AMEDEE THIERRY.