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se constitue, Anthémius arrive d’Orient, et le préfet des Gaules se voit menacé d’un jugement criminel, ou tout au moins d’une disgrâce.

Dans cette situation, Arvandus prêta l’oreille aux insinuations qui, de la part du roi des Visigoths, Euric, et de ses ministres, assiégeaient incessamment la fidélité des fonctionnaires romains, grands ou petits. Les allées et venues de certains personnages suspects d’intelligence avec les Barbares ayant alarmé les bons citoyens, on observa le préfet, on épia toutes ses démarches, et un jour on parvint à intercepter une lettre sans signature, mais écrite au nom d’Arvandus de la main de son secrétaire et destinée au roi des Goths. Dans cette pièce, remplie d’excitations à la guerre, le correspondant d’Euric lui conseillait d’abord de ne point reconnaître l’empereur grec (c’est ainsi qu’il désignait Anthémius, récemment débarqué), puis de lui déclarer la guerre. Il lui démontrait aussi la nécessité de tomber avant tout sur le petit état breton armoricain, en qui la domination romaine trouvait un auxiliaire utile et dévoué. Enfin il s’efforçait de prouver à un homme qui ne rêvait que conquêtes et invasion de la Gaule qu’en toute sécurité de conscience et d’après le droit des nations, il pouvait se partager ce pays, quand il lui plairait, avec le peuple des Burgondes. D’autres avis, d’une audace non moins criminelle, venaient compléter ceux-ci, provocations dangereuses, capables non-seulement d’aiguillonner la cupidité d’un roi belliqueux, tel qu’était celui de Toulouse, mais de lever les scrupules du Barbare le plus débonnaire. La lettre interceptée resta secrète entre les mains de ceux qui la possédaient jusqu’à ce que le moment fut venu d’en faire usage, de sorte qu’Arvandus put supposer ou qu’elle était perdue pour tout le monde, ou qu’elle était arrivée à son adresse.

Une province mécontente de ses magistrats, fût-ce son gouverneur ou président, fût-ce même le préfet du prétoire, pouvait les mettre en accusation et les poursuivre au siège du gouvernement romain, devant les tribunaux institués pour connaître des crimes publics. C’était l’assemblée représentative de la province, le conseil provincial, comme on l’appelait, qui prononçait, après examen, la mise en accusation du fonctionnaire; puis une députation choisie par le conseil se rendait à Rome pour soutenir devant le tribunal compétent les dires de la province, articuler les preuves, assurer le châtiment du magistrat prévaricateur. Une constitution d’Honorius, rendue en 411, avait réglé la composition et la tenue du conseil des sept provinces gauloises, qui siégeait dans la métropole d’Arles, et remplaçait l’assemblée générale des trois Gaules depuis que le territoire transalpin avait été démembré par les Barbares. Soit que l’époque fixée pour sa session ordinaire et annuelle fût arrivée, soit que le gou-