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du futur empereur, soit qu’il fût flatté d’une alliance qui mêlerait au sang des rois suèves et visigoths le vieux sang des césars orientaux, de qui la jeune fille descendait, soit que la position qu’on lui livrait si près du trône calmât pour le moment ses ombrages. Qu’importaient d’ailleurs des arrangemens secondaires qui ne changeaient point le fond des choses? Ricimer savait qu’il était et resterait maître en Occident,

Le candidat que l’empire d’Orient offrait à celui d’Occident n’était pas dans le monde romain un mince personnage comme Sévère ou un parvenu de mérite comme Majorien : on eût dit que Constantinople, flattée de la déférence que Rome lui témoignait, avait voulu faire un choix digne de toutes deux. Anthémius, gendre d’empereur, était lui-même de race impériale; sa famille, originaire de Galatie, était alliée à celle du grand Constantin; un de ses ancêtres, Procope, cousin de Julien, avait en 330 disputé le trône d’Orient à Valens; son père et son aïeul tenaient le premier rang à la cour byzantine, et lui-même dès sa jeunesse joignait assez de distinction personnelle à son illustration et à sa fortune pour que le vieil et respectable empereur Marcien lui accordât la main de sa fille. Il fut dès-lors comme le lieutenant de son beau-père, et à la mort de celui-ci il eût pu, dit-on, lui succéder sans beaucoup d’effort, quoiqu’un parti puissant se déclarât pour Léon; il préféra s’abstenir, et non-seulement il ne combattit point son rival, mais il le servit généreusement. Ce bon procédé établit entre eux une amitié sincère, et quand les députés du sénat de Rome arrivèrent à Constantinople, Léon saisit avec bonheur l’occasion de rendre à son ancien protecteur service pour service, ou du moins trône pour trône : il le proposa au choix des Occidentaux.

Anthémius commandait alors la flotte orientale en croisière dans la mer Egée, pour couvrir les côtes de la Grèce et de l’Asie contre les déprédations de Genséric. La négociation marcha donc à son insu, et lorsqu’il rentra dans Constantinople sur un ordre de Léon, tout était arrangé, et il dépendait de lui d’être empereur. Son consentement fut obtenu, à ce qu’il paraît, sans grande difficulté; mais l’idée de donner sa fille en mariage à Ricimer le trouva moins obéissant. Ce qu’on racontait des affaires d’Italie et du caractère du patrice, sans effrayer l’homme d’état, confiant en lui-même et résolu à faire face à la lutte, si la lutte se présentait, pouvait à juste titre émouvoir le père. On peut croire aussi que la jeune Grecque, élevée dans le palais de Constantinople, au milieu des délicatesses et des adulations de l’Orient, n’envisageait pas sans répugnance cette union avec « un Barbare vêtu de peaux, » comme si la fille et la petite-fille du grand Théodose n’avaient pas subi un sort pareil, l’une en