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bouleversemens et de princes successivement assassinés, semblait avoir donné aux Italiens une seconde vie, et des transports de joie éclataient de toutes parts. Le mariage prochain de Ricimer avec la fille d’Anthémius, mariage désiré par les Romains dans un intérêt politique, demandé par Léon, consenti par Anthémius, non pourtant sans beaucoup d’hésitations, promettait aux idées de concorde et aux espérances de paix domestique un gage que l’on croyait assuré.

Différentes causes, et en premier ordre une sorte de peste qui sévissait avec assez de rigueur sur le centre et le midi de l’Italie, arrêtèrent dans les murs de Ravenne Anthémius et la jeune fiancée de Ricimer plus longtemps sans doute que celui-ci n’aurait souhaité, plus longtemps surtout que ne voulaient les habitans de Rome, impatiens de placer sur les épaules de leur césar le manteau d’auguste, et sur la tête de sa fille le flammeum des nouvelles mariées. L’empereur grec (c’est ainsi que beaucoup d’Occidentaux prirent l’habitude de le désigner, les uns par une simple constatation de son origine orientale, les autres dans une pensée d’hostilité ou de critique et comme pour faire de cette qualification un titre à la défaveur de l’Occident), l’empereur grec mit à profit ce loisir forcé en étudiant un peu son empire. Il se fit rendre compte des principales affaires dont il aurait à s’occuper dès son début. Parmi les requêtes soumises à sa décision, il s’en trouva une de la grande cité gauloise des Arvernes, qui demandait l’autorisation d’envoyer un député à l’empereur pour l’entretenir d’une affaire municipale grave et embrouillée, à ce qu’il paraît, laquelle, déjà jugée en Gaule, était portée en appel dans la métropole de l’empire, probablement devant le conseil privé du prince. L’envoi des députations, ou, comme disait la loi romaine, des légations adressées au gouvernement par les provinces ou par les villes, devait être préalablement autorisé, soit afin d’épargner le temps de l’empereur, soit afin de ménager l’argent des villes ou celui du trésor impérial, car ces légations, transportées par les chevaux et les voitures de la course publique et hébergées tout le long de la route aux frais de l’état, ne laissaient pas d’être une charge sur laquelle une administration économe faisait bien d’avoir les yeux. L’Auvergne désignait comme son représentant dans cette mission Sidoine Apollinaire, Lyonnais d’origine et de domicile, mais que son mariage avec une fille de l’empereur Avitus avait comme naturalisé Arverne, et dont ses nouveaux compatriotes ne manquaient point d’invoquer le patronage chaque fois qu’un intérêt de quelque importance était en jeu. Tout homme tant soit peu lettré, en Orient comme en Occident, connaissait au moins de nom le poète gaulois, en qui se résu-