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ont rendue aussi avantageuse que possible pour la Suisse en même temps qu’ils ont contribué à la faciliter par une habile modération. Si la Prusse avait à revenir de loin pour se trouver sur un terrain où la première condition d’arrangement était l’abdication de ses droits ou de ses prétentions, la Suisse avait bien sans doute aussi à faire un peu de chemin. C’est à rapprocher ces distances, à concilier les prétentions contraires, que la diplomatie s’est heureusement employée dans son œuvre de médiation, en faisant disparaître du sein de l’Europe un élément de perturbation au prix d’un article des traités de Vienne, et en plaçant la situation nouvelle de Neuchâtel sous l’autorité d’une modification régulière du droit public.

La question de Neuchâtel n’a point été facile à résoudre, nous le voulons bien ; mais enfin elle était débattue dans des conditions appréciables, où il était toujours possible de saisir les difficultés pour en triompher. Il n’en est point ainsi sur le Danube, où il semble qu’on cherche dans la confusion un moyen d’embarrasser les décisions de l’Europe. Comment juger en effet cette situation des principautés, dont tous les élémens n’apparaissent qu’à travers une obscurité systématiquement entretenue ? Tout l’effort du parti opposé à une réorganisation sérieuse et efficace des provinces du Danube tend à paralyser la manifestation de la vraie pensée des populations, à créer une opinion artificielle et obéissante, comme aussi à intercepter toute communication entre le pays et les représentans de l’Europe. Les membres de la commission européenne vont bien, il est vrai, de Bucharest à Jassy : seulement la route qu’ils suivent est surveillée ; les autorités locales trompent par des itinéraires de fantaisie les populations qui veulent aller à la rencontre de ces protecteurs de leur liberté. Des indications prévoyantes ont détourné le commissaire français d’une ville où il devait trouver des témoignages de sympathie et l’expression de nombreux griefs. Il n’est pas jusqu’au commissaire ottoman, Saffet-Effendi, qui, à son arrivée récente à Jassy, n’ait été l’objet d’une de ces mystifications supérieures. Une foule considérable, dans laquelle se trouvaient des dignitaires de l’église, des boyards, s’est portée sur son passage. Cette population favorable aux idées nationales a été violentée et sabrée, et Saffet-Effendi a été conduit rapidement à travers la foule auprès des fonctionnaires qui l’attendaient pour lui exprimer leurs vœux et lui remettre des pétitions contre l’union. Plus que jamais d’ailleurs les autorités moldaves sont à l’œuvre pour façonner les élections, et elles peuvent d’autant plus aisément composer les listes électorales selon leur bon plaisir, que pour beaucoup de propriétaires il y aurait une réelle impossibilité de produire des titres légaux de possession. Dès-lors tout est livré à l’arbitraire. La difficulté pour les membres de la commission européenne serait de suivre jusque dans ses détails cette altération universelle et insaisissable souvent, pratiquée par des agens décidés à user de tous les moyens. Cela a été poussé si loin que le caïmacan de la Moldavie, M. Vogoridès, a été obligé de remplacer son ministre de l’intérieur, M. Gatardgi. Il est vrai que le successeur de M. Gatardgi, le logothète Basile Ghika, ne semble pas porter au pouvoir des idées fort différentes. Dans une circulaire pleine d’assez naïfs aveux, il se plaint que les Moldaves ne traitent pas leurs affaires sans bruit, qu’il y ait des apparences de manifestations, que des réunions prennent impropre-