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terre des Dacotahs, chez son père, le fameux faiseur de flèches renommé au loin dans toutes les tribus. « Marie-toi à une fille de notre nation, lui dit la vieille Nokomis, ne va pas à l’est, ne va pas à l’ouest chercher une étrangère que nous ne connaissons pas! La fille d’un voisin qui nous est familièrement connue est comme un feu dans le foyer; la plus belle des étrangères est comme la lumière de la lune. » Mais Hiawatha n’écouta pas sa trop prudente grand’mère et partit pour le pays des Dacotahs, d’où il ramena bientôt la belle Minnehaha. Le retour de l’heureux couple est décrit en vers délicieux :


« Charmant fut le voyage à travers les forêts interminables, à travers les prairies, à travers les montagnes, à travers les rivières, les collines et les ravins. Il sembla court à Hiawatha, quoiqu’ils voyageassent lentement, quoiqu’il retardât et mesurât son pas aux pas de la belle Eau Riante.

« A travers les fleuves larges et rugissans, il portait la jeune fille dans ses bras; il la trouvait légère comme une plume, légère comme la plume qui ornait sa chevelure; il écartait les broussailles du sentier, courbait les branches gênantes, faisait à la nuit une cabane avec des branches, un lit avec des fleurs de ciguë, et allumait devant la porte un feu avec les pommes sèches du pin.

« Tous les vents voyageurs les accompagnaient par la prairie, à travers la forêt; toutes les étoiles de la nuit les contemplaient, et de leurs yeux sans sommeil surveillaient leurs rêves; de son embuscade dans le chêne, Adjidaumo l’écureuil sortait pour contempler les amans avec ses yeux indiscrets, et le lapin, le Wabasso, décampait devant eux, et les regardait de son clapier, ou bien, assis sur ses pattes de derrière, épiait les amans avec des yeux curieux.

« Charmant fut le voyage; tous les oiseaux chantaient doucement et ardemment des chants de bonheur et de paix du cœur; l’oiseau bleu, l’Owaissa, chantait : « Heureux êtes-vous, Hiawatha, d’avoir une telle femme pour vous aimer. » Opechee le rouge-gorge chantait : « Heureuse êtes-vous. Eau Riante, d’avoir un tel noble époux !

« dans le ciel, le soleil bienfaisant les regardait à travers les branches, leur disant : O mes enfans, l’amour est le rayon, la haine est l’ombre, la vie est composée par moitié de rayon et d’ombre; gouverne par l’amour, Hiawatha !

«Du ciel, la lune les regardait, remplissait leur cabane de splendeurs mystiques, et leur chuchotait : mes enfans, le jour est sans repos, la nuit tranquille, l’homme impérieux, la femme faible; mais quoique j’obéisse et vienne la dernière, la moitié du temps m’appartient; gouverne par la patience. Eau Riante ! »


Le récit de la noce d’Hiawatha est fait avec un art consommé et un tact exquis des délicates nuances qu’il fallait observer : on dirait une fête de village héroïque. C’est une noce de campagne; seule-ment-