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hardis champions de l’Europe en face des Ottomans. Ce nom du roi des Huns, qui avait été si longtemps l’épouvante des nations chrétiennes, prend sur les bords du Danube une signification toute différente. Lorsque Mathias Corvin entraîne ses peuples à la croisade contre Mahomet II, un chroniqueur hongrois l’appelle le nouvel Attila. La politique d’Héraclius est consacrée par des triomphes qu’il lui était impossible de prévoir; le travail des siècles est accompli, la civilisation a vaincu, comme elle doit toujours vaincre; elle a amené peu à peu ses plus terribles ennemis à combattre pour sa cause. Que de leçons politiques, quels enseignemens de philosophie sociale dans ces péripéties de l’histoire!

Ce livre, avec ses dramatiques tableaux et ses vues lumineuses, a obtenu le succès dont il est digne; il a été lu par les esprits qui aiment les émouvantes peintures de l’histoire, il a été médité par les publicistes qui savent demander au passé des conseils ou des indications. L’Allemagne s’est empressée de le traduire; il en a paru aussi plusieurs versions hongroises. Cette Hongrie, dont l’auteur parle en si nobles termes, et qui retrouvait dans ce tableau le fil trop souvent rompu de ses traditions, devait accueillir avec reconnaissance l’œuvre du savant historien. On peut dire que la publication de l’Histoire d’Attila a été une sorte d’événement pour les Magyars. Si le paysan des bords de la Save et de la Theiss conserve dans sa cabane le portrait d’Attila roi des Hongrois, le fier et élégant Magyar, sans garder une sympathie très vive au fils de Mound-Zoukh, n’est pas fâché de voir ces traditions entretenir l’esprit national du peuple. Certaines parties du livre de M. Thierry, commentées, arrangées par des rapsodes populaires, courent déjà les campagnes. Dans ce curieux appendice qui complète son œuvre, au milieu de l’histoire légendaire de son héros, à côté des traditions germaniques et des traditions latines sur le fondateur du premier empire hunnique, les traditions hongroises ne sont pas les moins intéressantes. Ce sont ces poétiques récits, à moitié perdus depuis longtemps et rassemblés aujourd’hui par une main sûre, qui charment l’imagination du paysan, tandis que les seigneurs magyars relisent avec orgueil cette belle page de la préface : « Puisque je viens de toucher à des choses modernes en parlant de la Hongrie, qu’on me permette d’ajouter quelques mots sur le temps présent! Ce noble peuple magyar, si abattu qu’il paraisse, est encore plein de vie et de force, heureusement pour le monde européen. C’est lui qui veille aux portes de l’Europe et de l’Asie; qu’il en soit le gardien fidèle! Il y aurait mauvaise et fatale politique de la part d’une puissance civilisée, allemande et catholique, à vouloir étouffer une nationalité qui est sa sauvegarde du côté où s’agite une inépuisable passion de conquête, appuyée sur la barbarie; mais, quoi qu’on ose faire, la Hongrie