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l’Egypte pour assister à la solennité. Ils virent Héraclius, suivant la trace des pieds du Sauveur, gravir les pentes du Calvaire, la croix sur ses épaules. L’évêque de Jérusalem l’attendait au sommet; il reçut la croix des mains de l’empereur et la déposa dans l’église de la Résurrection. Ce sont là les grandes journées de l’Orient. L’enthousiasme du nom romain s’unissait aux ardeurs de la foi chrétienne, et de nouvelles destinées semblaient commencer pour l’empire. Que pouvait-on redouter encore du côté de l’Asie? L’empire des Perses était détruit, le successeur de Chosroès n’était plus qu’un vassal d’Héraclius, l’Europe entière était transportée d’admiration, et un petit-fils de Clovis, interprète des sentimens de l’Occident, envoyait une ambassade au vainqueur de Ninive. La France a toujours eu les yeux sur l’Orient, et lorsque Dagobert se faisait représenter solennellement auprès d’Héraclius, il inaugurait la politique de Charlemagne et de saint Louis.

On demandera peut-être pourquoi cette merveilleuse histoire d’Héraclius est associée dans le récit de M. Thierry à l’histoire d’Attila. Quel rapport entre une croisade contre les Perses et les annales confuses des populations hunniques? C’est précisément là qu’apparaît, avec l’importance du règne d’Héraclius, l’originalité de son rôle. Pendant que l’adversaire de Chosroès s’engageait si intrépidement dans les défilés du Caucase et les vallées de l’Euphrate, les fils des Huns, les Avars, établis au nord du Danube, menaçaient sans cesse Constantinople. Héraclius, avant de partir, s’était empressé de faire la paix avec eux. Dès qu’ils le surent arrivé en Asie, ils n’attendirent qu’une occasion pour se jeter de nouveau sur l’empire. L’occasion s’offrit bientôt. Le général de Chosroès, ce même Schaharbarz dont nous parlions tout à l’heure, envoya des députés au kha-kan des Avars, et lui promit le pillage de Byzance, s’il voulait assiéger la ville avec les Persans. C’était un moyen pour ceux-ci de rappeler Héraclius en Europe; si le kha-kan eût réussi, Chosroès n’eût pas été écrasé à Ninive. Ce siège de Constantinople par les Avars est une belle et émouvante peinture. M. Thierry n’a rien négligé pour retrouver les détails de la lutte; tous les documens originaux lui ont livré leurs secrets. On voit dans son récit l’immense armée barbare, non pas une nation seule, dit un témoin oculaire, mais un assemblage de nations, Huns, Scythes, Slaves, Bulgares, Avars, Gépides, envelopper toute la ville du côté de la terre; on entend les menaces du kha-kan et les .cris de ses soldats; on devine, aux préparatifs des assiégés, l’enthousiasme national réveillé par Héraclius. Du fond de la Perse, c’est encore lui qui défend Constantinople. Sans l’ardeur qu’a excitée son exemple, sans le souvenir toujours présent des émotions guerrières de son départ, ce peuple avili par Phocas n’était-il pas vaincu d’avance? Les habitans de Constantinople pensaient à