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heureusement décroissante, je voulus compléter mes recherches sur les institutions médicales de la Turquie par une visite aux hôpitaux turcs de Constantinople. Sauf quelques objections de détail, je n’eus que des éloges à donner. Les lits me parurent seulement trop rapprochés; les malades n’ont pas un assez grand volume d’air à respirer. On obvie en partie à ce défaut, le seul que j’aie à relever, par un luxe de propreté tout à fait inattendu et par l’habitude de tenir ouvertes les portes et les fenêtres. La douceur du climat écarte les dangers qu’aurait en France l’application d’une mesure semblable. D’ailleurs les chambres sont chauffées en hiver, et la plupart des fenêtres ouvrent sur de grandes galeries fermées, où la température n’est jamais très basse. Les fumigations chlorurées et surtout celles des plantes aromatiques sont très usitées; on les pratique plusieurs fois le jour dans toutes les chambres. Ces parfums entraînent en s’échappant les miasmes nauséabonds dégagés par les malades. Je voudrais voir le même usage s’introduire dans nos hôpitaux de France, comme il avait été introduit dans nos hôpitaux et nos ambulances d’Orient.

L’hôpital de la marine ottomane offre un grand luxe d’installation. Cet établissement modèle n’a rien à envier aux hôpitaux d’Europe. Dans le petit hôpital du palais de Bachistach, tout est princier : riches tapis, lits et rideaux de soie, nourriture recherchée, soins parfaitement entendus. M. Le docteur Z..., l’un des médecins du sultan, qui me conduisait, ne put me montrer la salle des femmes du harem; mais il m’apprit que leur principale maladie était une jalousie effrénée, sans cesse surexcitée par les choses qui nous paraîtraient les plus indifférentes. De temps en temps, elles reçoivent de petits cadeaux, une boîte de dragées par exemple. Il faut alors que les 3 ou 400 boîtes soient absolument pareilles, sans quoi ce sont des scènes dont la violence compromet leur santé. Presque toutes meurent à un âge peu avancé de phthisie pulmonaire. M. Z... envoyait en cachette aux plus malades quelques bouteilles de vin de Bordeaux pour prolonger leur existence.

Désormais la grande, la seule préoccupation était le retour de l’armée en France. Les cas de typhus, déjà importé par nos navires à Marseille, à Toulon, semaient l’alarme parmi les populations, et obligeaient à de grandes précautions. Le ministre de la guerre avait heureusement pris de sages mesures. Nous avions à l’île Sainte-Marguerite un hôpital pour 4 ou 500 malades et un camp sous baraques ou sous tentes pour 4 ou 5,000 hommes. Au Frioul, où il y avait déjà un hôpital, on pouvait aussi établir un camp d’une égale étendue. Enfin, dans les îles d’Hyères et dans la presqu’île de Gyen, on créa un troisième hôpital et un troisième camp pour 10 ou