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frirent des ressources de toute nature en personnel et en matériel. Le général Storks nous proposait d’aller installer dans un de nos camps un hôpital complet pour 1,000 malades, de nourrir même et de traiter ces malades, si on le désirait. « Quoi que nous fassions, disait-il, nous ne nous acquitterons jamais de ce que les Français ont fait pour nous l’an dernier. » Heureusement nous étions très abondamment pourvus en matériel, et l’intendant-général apporta immédiatement dans le régime alimentaire des changemens salutaires. Ce qu’il fallait, c’était l’espace, l’air pur. Je pressai l’installation des baraques. Il y avait à ce sujet des conférences sous la présidence du général Larchey, et il était résolu qu’on séparerait les malades, qu’on accroîtrait le nombre et l’étendue des hôpitaux; mais malgré mes instances on n’arrivait pas à créer assez de places pour un nombre de typhiques toujours croissant.

La population de Constantinople fut préservée du typhus et ne témoigna aucune inquiétude; elle s’est ainsi montrée plus sage que nos populations du midi de la France, qui s’alarmèrent outre mesure de l’importation du fléau par les typhiques évacués sur Marseille et Toulon. Cependant les ravages du typhus sur la flotte étaient considérables, et menaçaient d’interrompre forcément le service des transports. Il mourait 200 soldats par jour entre la Crimée et Constantinople. Les matelots tombaient victimes de la contagion, et entraient aux hôpitaux avec ceux qu’ils amenaient. Le mal pouvait croître indéfiniment; nous étions menacés d’un véritable et affreux désastre. Il fallait aviser, agir promptement, sous peine d’être bientôt réduit à l’impuissance; il y allait du salut de l’armée.

Les instructions que m’avait données par écrit le ministre de la guerre avaient prévu ces momens terribles et exceptionnels : « Lorsque vous le reconnaîtrez convenable, me disait-il, ou que les circonstances l’exigeront, vous pourrez prendre la direction momentanée du service médical. » En effet, pendant toute la durée de l’épidémie, je pris la direction officielle du service de santé de l’armée; je pus ainsi imprimer à ce service plus d’ensemble et d’énergie. Je rentrai ensuite dans mes fonctions d’inspecteur, qui me plaçaient dans une sphère plus élevée comme délégué du ministre. Quelques citations des rapports qui furent adressés alors au ministre de la guerre, au général commandant à Constantinople, à l’intendant militaire, montreront dans quelle situation critique l’invasion du typhus plaça l’armée d’Orient.

« Le remède par excellence contre le typhus, le seul en quelque sorte et sans lequel les autres seraient de nul effet, c’est l’isolement, c’est le désencombrement, c’est la substitution d’un air pur et vivifiant à l’air impur et contaminé des hôpitaux, où les émanations de