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plus célèbres médecins de l’école de Vienne[1]. L’irrégularité du typhus de Crimée tient à diverses complications, principalement au scorbut, à la dyssenterie, aux fièvres intermittentes. C’est à partir du 1er janvier 1856 que le typhus, qui l’année précédente avait commencé à poindre, prit de grands développemens. Dans les derniers jours du siège de Sébastopol, la pourriture d’hôpital, ce typhus des plaies, avait fait de grands ravages. Le scorbut, déjà signalé par Franck comme précurseur du typhus, avait pris d’énormes proportions. Pour éclater, le typhus contagieux n’attendait que la concentration et l’accumulation amenées par la rigueur de l’hiver. Les soldats, entassés dans leurs tentes hermétiquement fermées, dont le sol était humide et imprégné d’impuretés, subirent fatalement l’empoisonnement par le miasme organique. D’autre part, les excitations si énergiques dans lesquelles ils puisaient une grande force de résistance au typhus étaient tombées avec Sébastopol, et ils se voyaient livrés à l’épidémie privés du secours de ces puissantes réactions morales.

Le typhus de Hildenbrand aurait pu se montrer avec le caractère régulier que lui assigne cet auteur, sinon sur des soldats épuisés et déjà en proie à d’autres maladies, au moins sur les médecins, sur les aumôniers et sur tout le personnel hospitalier de Constantinople, dont la constitution n’était pas altérée. Ici encore l’irrégularité a été la règle, et les huit périodes décrites par Hildenbrand n’ont peut- être pas été observées une seule fois. L’état prodromal (lassitude, sommeil non réparateur, douleurs lombaires, horripilations, tension douloureuse de la tête, vertiges), si commun dans la fièvre typhoïde, a souvent manqué. Presque toujours le typhus débute par un frisson et par la période inflammatoire qu’indiquent, — outre un état catharral plus ou moins prononcé des yeux, des fosses nasales et des bronches, — une forte céphalalgie frontale vertigineuse comme dans l’ivresse, la stupeur, une grande prostration des forces, une soif intense, et souvent un état saburral des voies digestives, un délire calme ou furieux. La peau, devenue brûlante, se couvre, après deux ou trois jours, d’une sorte d’éruption qui n’a manqué que chez les sujets trop épuisés, et qui diffère essentiellement de celle de la fièvre typhoïde. Cette éruption se montre au tronc et aux membres par groupes irréguliers de taches arrondies d’un rouge foncé, sans relief, moins grandes qu’une lentille, ne disparaissant point par la pression, et qu’il n’était pas possible de confondre avec les taches de la fièvre typhoïde. La continuité de la fièvre, avec 100 ou 130 pulsations, a été souvent interrompue par un et plus rarement par deux

  1. Dans son traité sur le typhus contagieux, publié à Vienne en 1810 et traduit en français l’année suivante par M. Gasc, inspecteur du service de santé des armées.