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gence forme par son acte même. — Il faut dire que l’existence de Dieu et autres vérités de ce genre qui ont rapport à Dieu ne sont pas des articles de foi, mais des préambules aux articles de foi, car la foi présuppose la connaissance naturelle. — Avant de croire, il faut savoir pourquoi, car l’homme ne croirait point, s’il ne voyait qu’il doit croire, » Mais que sert de multiplier les citations? On les trouvera dans l’ouvrage du père Chastel. Il a, selon nous, établi victorieusement sa thèse. Il est loin de rendre les armes au rationalisme; mais il se garde de le déclarer incapable d’établir aucune vérité religieuse, morale ou intellectuelle. Il n’est point de ceux qui disent qu’à moins de s’appuyer sur la révélation et la tradition, on aboutit nécessairement à l’erreur, au panthéisme, au scepticisme. Il pense que ces exagérations, aussi fausses en elles-mêmes qu’injurieuses à la raison et à Dieu, ne peuvent qu’éloigner de plus en plus ceux qui sont encore loin du christianisme, en révoltant gratuitement leur conscience. Discuter ainsi, dit-il sévèrement, ce n’est point de la loyauté.

Nous ne saurions trop encourager ses utiles efforts. Il est trop vrai que certains défenseurs de l’église, et ce ne sont pas les moins bruyans, emportés par la polémique, se sont laissé atteindre de ce mal funeste que Platon nommait la misologie, et qui lui paraissait être dans l’ordre intellectuel ce qu’est la misanthropie dans l’ordre moral. La résistance que lui oppose le père Chastel est des plus honorables, et nous souhaitons qu’elle soit efficace. Elle le sera d’autant plus que, nous sommes heureux de le dire, elle n’est point isolée. L’ouvrage qui nous occupe ne se produit pas sans autorisation; il porte en tête des approbations venues de Rome même. On sait d’ailleurs que la société de Jésus répond de tout ce qu’écrivent ses membres, et l’une de ses premières autorités, le père Liberatore (que ce nom soit d’un heureux présage!) a donné un assentiment authentique. Et puis ces doctrines ne sont point des nouveautés; ce sont plutôt des antiquités oubliées. Le père Perrone, aujourd’hui le premier théologien de l’Italie, a soutenu dans ses écrits, chaque jour plus répandus, des principes que nous voudrions voir plus uniformément adoptés dans les écoles religieuses de ce côté-ci des Alpes. Il s’est trop établi parmi nous que la misologie traditionaliste était comme l’accompagnement nécessaire de l’ultramontanisme, et l’on s’est jeté avec cette ardeur à nous porter aux extrémités les plus opposées qui caractérise la France, dit le père Chastel, dans certains excès de doctrine que la prudence italienne est loin d’approuver. Le catéchisme du concile de Trente avait dit, il y a longtemps : « L’esprit de l’homme a pu par lui-même, avec beaucoup de soin et de travail, découvrir et connaître un grand nombre