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combraient nos hôpitaux de Constantinople, les portes de ce palais, assez vaste pour recevoir 400 malades, restaient impitoyablement closes. 30,000 hommes, dont 22,000 de la garde, étaient réunis dans les camps de Maslak pour renforcer l’armée de Crimée, ils subissaient de nombreuses attaques de choléra qui jetaient de nouveaux malades dans nos établissemens. Après les nombreux et sanglans combats du mois d’avril et du 1er mai 1855, après ce grand et terrible duel d’artillerie qui nous avait livré d’importans travaux de défense, on se décida à loger dans l’hôtel de l’ambassade les officiers blessés, français et russes. On transporta soigneusement tout le mobilier dans des bâtimens réservés. M. Lelouis, médecin-major d’un mérite incontestable, soignait les blessés avec un rare dévouement. Cependant cet hôpital ne tarda pas à présenter des traces d’infection. Les plaies se recouvrirent de gangrène et de pourriture d’hôpital. Plus tard, le typhus importé de Crimée s’y propagea d’un lit à l’autre. Quand la paix fut signée, le gouvernement français a dépensé de fortes sommes pour remettre ce palais en bon état; on le rendit beaucoup plus beau qu’on ne l’avait pris, on répara même des dégradations antérieures.

Les sœurs de charité avaient ouvert dès le début de la campagne près du faubourg de Péra un hôpital particulier qui ne tarda pas à être fort recherché par les officiers. Chaque malade recevait dans une chambre où il était seul des soins affectueux et intelligens. Il pouvait s’y faire soigner par un médecin militaire de son choix. Cette tolérance a été fort appréciée; l’hôpital des sœurs ne désemplissait pas.

Parmi les soldats français reçus dans les hôpitaux de Péra, plusieurs avaient été blessés à la suite des rixes si fréquentes dans les rues de ce faubourg, dont la population hétérogène, bien différente de celle du quartier musulman de Stamboul, renferme un grand nombre de repris de justice de tous pays. A Péra, les crimes se commettaient en plein jour et restaient impunis. On assassinait au milieu de la rue, et chacun suivait son chemin comme s’il n’avait rien vu. A la requête du général de division Larchey, commandant supérieur à Constantinople, l’ambassadeur de France, M. Thouvenel, obtint l’autorisation de créer à Péra une police française. Nos gendarmes ont rendu là les services les plus signalés. Ils parvenaient à arrêter les malfaiteurs; mais alors une nouvelle difficulté se présentait : ces misérables étaient réclamés par les chancelleries de leur pays, qui, sous prétexte de les juger, leur rendaient la liberté. On finit toutefois par s’entendre et par arriver à une sécurité relative assez satisfaisante.

A l’époque où l’on convertissait l’hôtel de l’ambassade russe à Péra