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elle est en quelque sorte le second degré. Des altérations intestinales allant jusqu’à l’ulcération indiquent également la lésion anatomique dans les deux maladies. La diarrhée aiguë, si fréquente parmi les soldats qui entrent en campagne, se guérit le plus souvent en quelques jours par le repos, parle régime, par l’application d’une ceinture de flanelle, au besoin par des boissons féculentes et par quelques gouttes de laudanum. S’il était toujours possible de la traiter par ces simples moyens et de prévenir des récidives par quelques soins hygiéniques, on diminuerait certainement de plus de moitié le nombre des maladies réelles et de la mortalité. Un émétique ou un éméto-cathartique dissipe presque toujours en peu de temps les embarras gastriques qui peuvent compliquer cette affection. À l’état chronique, c’est-à-dire avancé, les astringens tant préconisés ne donnent qu’une amélioration éphémère plus apparente que réelle ; ils ont paru plus nuisibles qu’utiles. Le meilleur tonique est le vin de bonne qualité, à doses petites et répétées, dont le médecin doit surveiller les effets. Une légère dose d’opium seul, ou, mieux encore, donné en même temps que l’ipécacuanha ou le sulfate de magnésie à faible dose, a été le plus efficace de tous les agens thérapeutiques. Un régime sévère et persévérant peut seul prévenir des rechutes très souvent fatales.

Cette affection aurait fait plus de ravages encore sans le ressort moral qui, pendant toute la campagne, en dépit de tout, soutint les troupes françaises, et qui ne se manifestait jamais avec plus de puissance que dans les momens les plus critiques. L’importance du bastion Malakof avait été reconnue : on poussait activement les préparatifs d’attaque. Les Russes, de leur côté, exécutaient rapidement de sérieux travaux de contre-approche qu’on résolut d’enlever dans la nuit du 23 au 24 février 1855. Le général Bosquet parcourait les tranchées, où les soldats avaient de la boue jusqu’à mi-jambe. Il les disposait pour le combat, quand un factionnaire qui venait d’être blessé à la tête lui présente les armes. Voyant le sang couler de sa blessure, le général lui demande pourquoi il ne va pas à l’ambulance. « Mes souliers sont troués, répond-il, faisant allusion à l’empressement avec lequel ses camarades se disputaient certaines dépouilles des Russes ; cette nuit il y aura distribution de bottes, je veux y assister. »

Ce n’étaient pas seulement le choléra et la dyssenterie, c’étaient aussi des fièvres de diverse nature qui peuplaient nos hôpitaux d’Orient. Les miasmes que répand la décomposition putride des matières végétales vicient l’atmosphère et produisent sur l’économie les effets d’un véritable empoisonnement, dont la nature cherche à se débarrasser par des accès de fièvres critiques et périodiques. Cette fièvre