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Si le choléra est inconnu dans son essence, si les causes qui le font naître nous échappent, celles qui retendent et le propagent deviennent de plus en plus manifestes. Les malheurs survenus dans la Dobrutcha prouvent clairement que la violation des règles de l’hygiène, l’insalubrité, la misère, en excitent prodigieusement l’activité meurtrière et en forment le véritable élément. Il serait aisé d’établir que les recrudescences de ce fléau, qui a sévi à plusieurs reprises sur l’armée d’Orient, ont constamment coïncidé avec des situations devenues plus critiques, des influences dépressives de l’économie, des privations et des fatigues extraordinaires.

Le remède spécifique du choléra est encore à trouver, mais la médecine n’est pas réduite à l’impuissance : elle donne de sages conseils préventifs qui ne sont que trop rarement suivis, et quand le mal est déclaré, elle fournit également de précieuses indications. Une indisposition avec tendance au refroidissement, un malaise général et surtout un dérangement d’entrailles avec diarrhée sont des signes précurseurs, des avertissemens dont il faut tenir grandement compte en temps d’épidémie cholérique. En se soignant immédiatement, on est à peu près certain d’échapper au choléra, ou de n’avoir qu’une simple cholérine sans danger sérieux. Les cas foudroyans sans prodromes sont tellement rares, qu’aux yeux de beaucoup de médecins ils n’existent pas. Les soins à prendre sont bien simples : rester au lit, faciliter une salutaire transpiration par des infusions aromatiques chaudes, mettre une ceinture de flanelle, observer la diète. La cholérine n’exige pas d’autre traitement. Dans la période algide, il s’agit principalement de ramener la chaleur et la circulation du sang. On a également recours à des boissons chaudes aromatiques et à quelques gouttes d’éther. Les bains de vapeur à la manière orientale ont un effet remarquable; M. Cazalas en a tiré un excellent parti dans les hôpitaux de Constantinople. Les frictions rudes pratiquées sur tout le corps, les sinapismes promenés sur les extrémités, les couvertures de flanelle chauffées, les cruchons d’eau bouillante, etc., sont encore des moyens d’une utilité reconnue. Ces indications n’ont pu recevoir une application assez large, on le conçoit, dans la Dobrutcha; l’insuffisance de la stimulation laissait tomber le pouls et la chaleur jusqu’à complète suppression, et beaucoup de malades mouraient sans réaction.

L’excitation poussée trop loin a aussi ses dangers; elle détermine des mouvemens de réaction fluxionnaires, des congestions viscérales souvent mortelles. On se trouve ici entre deux écueils, l’insuffisance et l’excès. L’apparition de la réaction est un indice de guérison à peu près infaillible, si cette réaction est sagement conduite. La saignée, les boissons acidulées en arrêtent la violence. La convalescence exige les plus grands ménagemens, les rechutes étant toujours fort graves.